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LE ROMANTISME par Issa Laye Diaw.

Premier mouvement artistique (peinture, musique et littérature) apparu au XIX ème siècle, le romantisme est un courant entretenant des rapports sympathiques comme antipathiques très étroits avec ceux qui l’ont précédé dans le temps : le préromantisme (XVIII ème siècle) et le classicisme (XVII ème siècle). D’une part, il s’agit d’une relation de ressemblance avec le premier au point qu’un lien presque consanguin unit le romantique aux devanciers. (Ils partagent les mêmes thèmes et le même style). D’autre part, c’est une relation d’opposition constatée à l’encontre du second puisque le romantique juge les règles d’écriture classique trop contraignantes qui bloquent, étouffent, anéantissent le génie, le talent, l’inspiration de l’écrivain.

Cette double confrontation du romantisme avec ces deux courants littéraires donne une petite idée de ce qu’est le romantisme : l’expression de la sensibilité et le libéralisme en littérature. 

Justement, celui qui s’est le plus érigé contre ces règles, celui qui a produit le plus d’oeuvres, celui qui a traversé tout son siècle (surnommé pour cela  »l’homme-océan ») a été incontestablement considéré comme chef de file : Victor Hugo. On peut citer d’autres écrivains romantiques tels que Lamartine, Chateaubriand, Madame de Staël, George Sand, Musset, Vigny, Nerval, Michelet…

Quand on évoque les indices textuels qui permettent d’identifier un auteur romantique, outre les années 1800, il faut regarder le courant sous deux angles de vision adjacente : le lyrisme et l’engagement. En effet, il peut arriver qu’un romantique soit exclusivement lyrique (Alfred de Musset, François René de Chateaubriand), essentiellement engagé (rare) ou les deux à la fois (Hugo, Lamartine) selon les circonstances du moment…

  1. LE LYRISME.

Il faut remonter jusque dans la mythologie gréco-romaine pour mieux saisir le sens du lyrisme. On y raconte l’histoire d’Orphée si épris de sa bien-aimée Eurydice qu’il l’épouse. Mais durant leur lune de miel, mordue au pied par un serpent, la femme meurt accidentellement. Le mari en demeura inconsolable ; par voie de fait, armé de sa lyre (instrument  musique antique), il essayait de traduire tout ce que sa bouche était désormais incapable de dire à cause de la douleur du deuil. Ses chants mélodieux séduisaient tous les habitants des trois éléments de la nature (le ciel – les oiseaux ; la forêt – la faune et la flore ; les eaux – les poissons). Chacun d’eux courait aux pieds de l’infortuné et tous semblaient dire  »ndéyssaan ! Cet être humain est vraiment malheureux ». Même les dieux en étaient si charmés, si apitoyés aussi, qu’ils lui firent la promesse de ressusciter sa femme. Ils lui indiquèrent le chemin des enfers mais lui défendirent de se retourner au moment de revenir sur ses pas au moment d’en sortir. Orphée y alla mais oublia la condition pour sortir Eurydice vivante des enfers : lorsqu’il se retourna, il perdit de vue définitivement sa femme.

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Cette histoire mythologique, aussi bavarde soit-elle, a un lien avec le romantisme puisque le lyrisme est finalement devenu le nom de baptême de toute écriture où l’auteur fait étalage de sentiments analogues à celui éprouvé par Orphée. Il s’agit donc d’une écriture qui renouvelle une forme poétique d’entant mais encore plus encline à l’évocation de toute une vie. Parmi les thèmes récurrents présents dans les textes des auteurs romantiques lyriques. En voici les six plus fréquents :

1 L’EXALTATION DU MOI :

L’auteur romantique parle de lui. C’est ce qui justifie l’omniprésence de l’emploi de la première personne. Celle-ci peut cependant appartenir à l’auteur (dans la plupart des textes poétiques comme dans  »demain, dès l’aube ») mais aussi à un narrateur ou acteur principal (au théâtre : Hernani, ou dans le roman : Le Dernier jour d’un condamné).

2 L’EXPRESSION DES SENTIMENTS PERSONNELS :

Dans le texte romantique, l’expression des sentiments (tout ce qu’on éprouve sur le coeur) est le principal centre d’intérêt du récit : l’Amour avec le grand A. L’écrivain abolit la notion de vie privée ou vie intime. 

3 LE MOI SOUFFRANT : l’auteur romantique est rarement heureux. Il peut l’être mais ses instants de bonheur sont minimes, comparés à ses moments de malheur car il souffre du coup du sort lié aux conséquences désastreuses de l’amour. 

4 LE GOÛT DE LA NATURE :

l’écrivain romantique est convaincu de la triple vertu (trois bienfaits de la communion avec la nature) de ce milieu souvent féerique : consolatrice (des peines personnelles), inspiratrice (des vérités cachées) et conservatrice (des souvenirs sacrés).

5 LA RÊVERIE :

C’est le culte de l’imagination. Puisque ce monde est pratiquement invivable à cause de la fuite du temps, d’un bonheur inexistant, décevant et éphémère, il ne reste à l’écrivain qu’un maigre lot de consolation : le goût de l’évasion, de l’imagination, du voyage… Il s’y adonne à cœur joie. 

6 LA FUITE DU TEMPS :

Même si l’homme d’aujourd’hui a apprivoisé beaucoup d’éléments naturels qui lui étaient rebelles, il lui restera toujours cette impossibilité de maîtriser le temps qui lui échappe de gré ou de force et de trois façons (impossible de l’arrêter, incapable de l’accélérer, encore moins de lui faire rebrousser chemin). Et cette imperfection, l’homme d’hier le savait déjà au point que le romantisme s’attardait sur la représentation artistique de cette fuite du temps inexorable. Le souvenir, la mort, le blasphème, la solitude… entrent dans cette rubrique thématique. 

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Ces six, à quelques variantes près, sont exprimés dans beaucoup de textes lyriques comme dans  »Le Lac » de Alphonse de Lamartine (Méditations poétiques, 1820).

  1. L’ENGAGEMENT.

L’engagement peut avoir beaucoup d’orientations, sociales et politiques en l’occurrence. Quoi qu’il en soit, on dit d’un écrivain qu’il est engagé lorsqu’il emploie la littérature comme une tribune au haut de laquelle il traduit son incapacité à rester les bras croisés ou les yeux fermés devant un mal, une injustice. 

  1. L’ENGAGEMENT SOCIAL :

L’auteur défend des membres de la société défavorisés par le sort et envers qui des semblables ne manifestent aucune considération, aucune solidarité. Ce sont les parias comme les mendiants, les prostituées, les voleurs, les prisonniers… Au lieu de toujours s’appesantir sur l’acte, il faut aussi s’attarder sur le mobile (la raison qui a conduit l’homme à de pareilles extrémités). Par exemple, dans  »Melancholia », un poème lisible dans Les Contemplations (1856), Hugo est scandalisé par le travail forcé imposé à des enfants en bas-âge ; il incrimine implicitement les parents, les employeurs bourgeois et l’État.

  1. L’ENGAGEMENT POLITIQUE : 

Si dans l’engagement social, le risque que court l’écrivain est moindre, l’auteur engagé politiquement y est plus exposé (censure, exil, emprisonnement, assassinat…). Malgré tout, celui-ci n’a jamais peur de se lancer dans le combat pour éradiquer des fléaux comme la dictature, le tripatouillage de la constitution, l’enrichissement illicite… La plume devient un kalashnikov (arme à feu russe) orienté en direction des autorités qui abusent du pouvoir. C’est encore le cas de Victor Hugo soumis à l’exil pendant dix-huit ans hors des murs de la France, en Angleterre (de 1852 à 1870).

Le mot de la fin :

Avec le romantisme incarné par beaucoup d’écrivains du XIX ème siècle, on ne finira jamais de parler, car il restera toujours à dire… Justement, cette page est comme un forum qui permettra sans doute aux internautes d’apaiser des inquiétudes et d’éclaircir des zones d’ombre. Je suis ouvert à toutes les questions.

Issa Laye Diaw.

Professeur de Français à Popenguine 

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