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LE PARNASSE , par Issa Laye Diaw

FORMULE INTRODUCTIVE.

Il faut visiter la mythologie pour se faire une petite idée de ce qu’est ce courant littéraire…

En effet, pendant l’Antiquité grecque, les neuf Muses (j’ai raconté leur histoire dans le tout premier commentaire de cette publication) séjournaient au sommet d’un mont (montagne pas très élevée) appelé  »Parnasse » pour y célébrer la grâce d’Apollon, dieu de la nature, des arts et donc de la beauté, fils du roi des dieux (Zeus chez les Grecs ou Jupiter chez les Romains).

Durant la seconde moitié du XIX ème siècle, un groupuscule d’écrivains décide de faire retourner l’art à son emploi originel : la représentation de la beauté à l’état pur.

On comprend donc la corrélation qui existe entre le mont Parnasse (lieu de résidence antique pour le culte de la beauté) et le nom de baptême de ce courant (cadre exclusif de la peinture du beau).

Parmi les auteurs phares, on doit citer Théophile Gautier (voir photo), José-Maria de Heredia, Leconte de Lisle, Théodore de Banville, François Coppé, Catulle Mendès, Léon Dierx,… 

Quatre caractéristiques essentielles permettent assurément d’identifier un auteur appartenant à ce courant littéraire.

  1. LE BEAU.

Les Parnassiens sont convaincus qu’un écrivain est, avant tout, un artiste (quelqu’un qui a fait de l’art son métier). Par conséquent, la première confirmation de cet état de fait est, pour lui, de s’adonner à la représentation du beau. Ainsi, ces promoteurs de l’art à l’état pur soumettent leur texte à l’épreuve d’un style qui frise presque la perfection formelle afin de le rendre impérissable, éternel. Nul doute alors que cette production nécessite moins d’inspiration (sujet ou objet à sélectionner dans la nature) que de transpiration (effort intellectuel et stylistique). Le poème de Gautier intitulé  »Le pain des Landes » est à lire absolument pour mieux comprendre cet état de fait. C’est d’ailleurs etauss  pour cette raison pour que Gautier disait :

                      « Les dieux eux-mêmes 

                                 Meurent 

                       Mais les vers souverains

                               Demeurent 

                       Plus forts que les airains ».

Cette peinture du beau doit donc être doublement perçue : du point de vue de la forme (le style d’écriture) et du fond (la source d’inspiration), la manière et la matière.

  1. L’ART POUR L’ART.

Les classiques employaient la littérature pour dispenser des leçons de morale ; les lyriques s’en servaient pour s’épancher ; les romantiques engagés s’y appuyaient pour se révolter ; les réalistes l’utilisaient pour représenter la réalité, rien que la réalité et toute la réalité (même les choses qui dégoûtent). Les Parnassiens, eux, pensent que tout ceci éloigne l’art de son office originel : la peinture du beau. Pour eux, l’art ne doit servir qu’à l’art. De quelle beauté s’agit-il alors ? D’une beauté dépourvue de toute fonction utilitaire, politique ou égoïste. Voilà pourquoi Gautier disait dans la préface de Mademoiselle de Maupin : « il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid ». Si le Parnassien devait choisir, entre une fleur et des toilettes, ou entre une jeune femme de dix-huit ans à la fleur de l’âge et une femme de trente-neuf ans en état de grossesse très avancée, il chercherait d’abord l’objet ou le sujet le plus inutile (ou en tout cas le moins utile) comme source d’inspiration idéale. À coup sûr, la fleur et la femme de dix-huit ans mériteraient tous ses suffrages, au lieu des toilettes et de la femme pesante. (Ymgx ! ?)

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III. L’IMPERSONNALITÉ.

Exactement comme le réaliste ou le naturaliste, tel un photographe, le parnassien s’interdit toute forme de présence (physique, avisée, visionnaire) dans son oeuvre d’art. Il s’inspire du réel et le représente mais sans qu’il en soit acteur, orateur ou témoin subjectif). C’est pourquoi ces artistes puisent leur inspiration dans des temps très reculés (comme dans  »Antoine et Cléopâtre », un texte des Trophées, recueil publié en 1893 par José-Maria de Heredia qui choisit de représenter des personnages historiques) ou encore dans des espaces très éloignés du cadre de vie des hommes dits civilisés (comme dans  »Les éléphants », un texte de Poèmes barbares, recueil publié en 1862 par Leconte de Lisle vrai peintre animalier). Ce choix de position retranchée ne fait que confirmer l’objectif de rendre l’art le moins utilitaire possible et de le rapprocher de l’expression de la beauté épurée. Ils peuvent parler de sentiments mais s’épancher le moins du monde, sans y jeter leur  »grain de sel », en quelque sorte.

  1. LE CHOIX DE LA POÉSIE.

La presque quasi-totalité des parnassiens s’adonne à la poésie. Qu’est-ce qui peut bien justifier cette prédilection pour ce genre littéraire majeur ? Deux arguments  fondamentaux peuvent nous donner raison.

D’une part, il suffit de se rappeler la définition que Paul Verlaine donnait à la poésie : « de la musique avant toute chose ». C’est la poésie avec ses strophes scandées, ses vers ciselés, ses rimes sonorisées, ses rythmes harmonisés, qui s’apparente le plus à la musique, comparée aux autres genres littéraires. C’est bien par elle qu’un artiste atteint le plus la fibre sensorielle des lecteurs, grâce à la conjugaison de deux arts (musique et littérature) dans un même champ de vision, par le biais des descriptions rondement accomplies.

 »Petit papa Noël

Quand tu descendras du ciel

Avec des jouets par milliers

N’oublie pas mon petit soulier »

CHANSON POPULAIRE.

Ce sont des vers !

 »Soumay gneuw tchi yaw

Ropalaan loumouy meuneu naaw

Maakoy geuneu gaaw »

CHANSON DE TITI.

Ce sont des vers !

D’autre part, les parnassiens regrettent la désacralisation de l’art pour des besoins purement personnels ou utilitaristes. Pour lui rendre son caractère sacré, ces écrivains choisissent la poésie (écrite en vers) genre littéraire qui ressemble le plus à l’écriture des textes sacrés (présentés sous forme de versets).

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 »Wa chamssi waddouhaahaa

Walkhamari izaa talaakhaa

Wannakhaari izaa djalaahaa

Walleyli izaa yakhchaahaa

Wa samaahi wamaa banaahaa

Wal ardi wamaa takhaakhaa

Wa nafssine wamaa sawaakhaa

Fa al hamarahaa foudjourahaa wa takwaahaa… »

SOURATE Al chamssi (le soleil).

Ça ressemble à des vers !

 »Notre Père qui est aux cieux

Que ton nom soit sanctifié

Que ton règne vienne

Que ta volonté soit faite

Sur la terre comme au ciel

Donne-nous aujourd’hui

Notre pain de ce jour

Pardonne-nous nos offenses

Comme nous pardonnons aussi

À ceux qui nous ont offensés

NOTRE PÈRE (prière chrétienne)

Ça ressemble à des vers !

En un mot, c’est pour la musicalité et la sacralité de l’art que les parnassiens ont jeté leur dévolu sur la poésie, meilleur endroit, olympien à la limite, pour exprimer le beau.

LE MOT DE LA FIN.

Le parnasse a, en fin de compte, révolutionné la littérature telle que perçue ou employée par les courants qui l’ont précédé dans le temps. Si la plupart en faisaient une salle de classe (les classiques), certains une pharmacie ambulante (les lyriques), d’autres un champ de bataille (les romantiques engagés), d’autres encore un dépotoir d’ordures (les réalistes), les parnassiens, eux, s’autoproclament artistes promoteurs de la beauté à l’état pur.

Issa Laye Diaw.

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