Parmi les candidats au probatoire, examen national qui donne accès à la classe de terminale dans le sous-système scolaire francophone au Cameroun, un profil a retenu l’attention : c’est celui du jeune Jean-pierre Essombe Mambingo Mbonjo
Né le 23 mai 2006 à Douala, cet adolescent, orphelin de sa mère depuis 2014, n’a pas connu un parcours scolaire ordinaire. Celui qui est qualifié de surdoué par ses enseignants et ses camarades a, du fait de son intelligence jugée « hors du commun », brulé les étapes.
« Il est entré à la petite section de la maternelle à l’âge de deux ans et demi. Très vite, ses enseignants vont constater qu’il a un niveau supérieur à cette classe. La même année, il va être envoyé successivement à la moyenne, puis à la grande sections », explique Eitel Mambingo, le géniteur du jeune élève.
Si bien qu’à l’âge de trois ans et demi, Jean-Pierre Essombe Mambingo Mbonjo est finalement admis à la Sil (première classe de l’école primaire). La même année, au vu de ses performances, il est propulsé au cours préparatoire.
“J’ai donné un exercice à faire aux élèves et il s’est distingué en trouvant la bonne réponse. J’ai cru que c’était un hasard ; mais, il a également résolu les deux équations suivantes”
Patrick Nantchouang
Professeur de Maths, CREAS, Douala (Cameroun)
L’année d’après, son père décide de l’inscrire dans un établissement scolaire public. Une fois encore, l’admission de l’adolescent est compliquée en raison de son âge jugé trop précoce par les responsables de l’établissement.
Après plusieurs tractations, ces derniers finissent par rétrograder l’élève à la Sil (Section d’initiation au langage). Très vite, les prouesses de ce dernier attirent l’attention de ses enseignants.
Décontenancée par le degré d’intelligence de cet élève pas comme les autres, la direction de l’établissement décide de faire appel aux inspecteurs pédagogiques afin qu’ils évaluent son quotient intellectuel.
A l’issue de l’évaluation, il sera établi que Jean-Pierre Essombe Mambingo Mbonjo a le niveau d’un élève du cours moyen, apprend-on. C’est ainsi qu’il est propulsé par ses enseignants au Cours moyen 1 (CM1).
L’année suivante, malgré l’opposition des enseignants qui jugeaient son âge insuffisant, le géniteur de l’enfant décide que son fils passe le Certificat d’études primaires (CEP) alors qu’il n’est âgé que de 5 ans et demi là où l’âge moyen pour cet examen est généralement de 10 ans.
Grâce à la témérité de son père, le petit garçon passe le CEP de l’année 2011 – 2012. Comme pour faire un pied-de-nez à ceux qui s’y opposaient, le petit garçon décroche ce premier diplôme scolaire avec une moyenne de 17,25/20.
Curiosité
Au secondaire, l’âge du jeune élève continue d’alimenter la polémique, à susciter la curiosité et à soulever des réticences.
« Ça n’a pas été facile parce qu’à chaque fois, on refusait qu’il accède à aux classes supérieures à cause de son âge », témoigne son géniteur. Ce fut par exemple le cas au cours de l’année scolaire 2014-2015, au moment de le présenter au Brevet d’études du premier cycle (BEPC).
Mais, chaque fois, ses performances avaient vite fait de convaincre ; son aisance en mathématiques, physiques et chimie où ses notes se situent généralement autour de 17/20 amenant même ses camardes à le surnommer « Pythagore ».
« Il est arrivé à l’âge de 8 ans dans le centre dont je suis le promoteur. Son papa voulait qu’il fasse le BEPC. L’enfant a été évalué et on a constaté qu’il avait le niveau acceptable pour la classe », rapporte Raphaël Tchokokwe, promoteur du Centre de recherche psychopédagogique et d’apprentissage scolaire (CREAS).
Néanmoins, c’est avec une autorisation du délégué du ministère des Enseignements secondaires pour la province du Littoral (Douala) que le jeune homme va se présenter à cet examen. « Et finalement, nous ne nous étions pas trompés, puisqu’il avait obtenu son BEPC », conclut le responsable du CREAS.
Eitel Mambingo, le papa du jeune homme, explique qu’il a finalement préféré que l’enfant fréquente ce centre spécial plutôt que les écoles classiques surtout pour échapper aux tiraillements liés à l’âge de l’enfant chaque fois que celui-ci doit passer en classe supérieure ou s’inscrire pour un examen.
Mais aussi parce vu son jeune âge, le garçon avait du mal à s’adapter au rythme très rigoureux imposé aux élèves de sa classe, tous beaucoup plus âgés, dans les établissements scolaires ordinaires.
D’autant plus que le jeune homme qui est asthmatique se voit souvent obligé d’interrompre ses classes en raison de sa maladie qui lui impose par ailleurs des contraintes que ne connaissent pas la plupart de ses camarades.
Quoi qu’il en soit, avec le BEPC en poche, le petit Pythagore entre en classe de seconde C pour l’année scolaire 2015 – 2016, puis en classe de première C pour l’année 2016 – 2017 qui vient de s’achever, alors qu’il n’a que 10 ans.
Mais, pour l’inscrire au probatoire 2017 qui s’est déroulé ce mois de juin, le père de l’enfant a dû se rendre à Yaoundé pour rencontrer le directeur de l’Office du baccalauréat du Cameroun afin de solliciter une autorisation spéciale. Laquelle a été délivrée au jeune élève après un test psychotechnique.
Aujourd’hui, il est dans l’attente des résultats de cet examen qui se fait en première et qui fait office de passeport pour la classe de terminale dans le sous-système scolaire francophone au Cameroun.
S’il est admis, il abordera cette classe à l’âge de 11 ans et pourra égaler en 2018, à 12 ans, le record du plus jeune bachelier camerounais détenu jusqu’à présent par le jeune Bamba du collège moderne bilingue des Lauréats de Douala, reçu en 2006.
Pour ses enseignants, il ne fait aucun doute que cet enfant assidu et calme réussira, vu son « extraordinaire capacité de rétention ».
« Dès qu’on lui explique une méthodologie, il comprend vite et fait le reste très aisément », témoigne Patrick Nantchouang, son professeur de mathématiques depuis deux ans.
Construction de robots
Ce dernier n’oubliera d’ailleurs pas de sitôt son premier contact avec son jeune élève : « C’était au début de l’année scolaire en classe de seconde C, se souvient-il. Quand je le trouve en classe lors de ma première leçon, je me dis qu’il s’est trompé de salle et lui demande de retrouver sa classe dans la section primaire du Centre. Mais, à ma grande surprise, il m’a répondu que c’était bien sa classe et mon insistance n’y a rien changé ».
« Finalement, j’ai donné un exercice à faire aux élèves et il s’est distingué en trouvant la bonne réponse. J’ai cru que c’était un hasard ; mais, il a également trouvé la bonne solution des deux équations suivantes », conclut Patrick Nantchouang qui est aujourd’hui fier de son poulain.
Tout « surdoué » qu’il est, Jean-Pierre Essombe Mambingo Mbonjo n’en demeure pas moins un enfant comme un autre. Timide, il est fasciné par les jeux vidéo, souvent au détriment de ses cahiers et livres, relève son père.
Et comme on pouvait s’y attendre, ses succès ne lui attirent pas que des compliments. Les autres élèves notamment ne tarissent pas d’intrigues à son endroit.
« Mes camarades de classe me dérangent beaucoup et me demandent tout le temps de rentrer au CM2 », rapporte le jeune homme.
Mais, imperturbable et droit dans ses bottes, il ne se laisse pas influencer ; du moment qu’il sait très bien ce qu’il veut : « je veux faire plus tard dans la construction des robots. Je suis passionné par l’informatique », révèle celui qui possède déjà deux ordinateurs.