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Sujet corrigé: « Le théâtre est un art illusionniste. Il éloigne le spectateur du vrai ». Ces propos vous paraissent-ils fondés ?

SUJET : « Le théâtre est un art illusionniste. Il éloigne le spectateur du vrai ». Ces propos vous paraissent-ils fondés ?

Le débat autour de la fonction de l’art reste toujours d’actualité. Si certains le considèrent comme une reproduction fidèle de la nature, d’autres le prennent pour une simple illusion. Le théâtre, pur produit de l’art, ne saurait échapper à ce procès. D’aucuns ont déjà fini de le classer dans la catégorie des œuvres mensongères. C’est fort de ce constat d’ailleurs qu’il est affirmé : « Le théâtre est un art illusionniste. Il éloigne le spectateur du vrai ». En d’autres termes, le théâtre se veut un art qui ne dit pas vrai. Mais, la représentation théâtrale est-elle seulement fiction ? Dès lors, il convient d’engager une réflexion poussée pour résoudre la problématique soulevée. Ainsi, si l’on peut concéder que l’art dramatique entretient l’illusion de vérité, ne peut-on pas aussi se demander s’il n’est pas une création authentique ? Le théâtre n’est-il pas loin du mensonge ?

Au même titre que la peinture, la musique et la sculpture, le théâtre est un produit de l’art qui se caractérise principalement par sa dimension artificielle et factice. En effet, certains des éléments qui le structurent, notamment le cadre spatiotemporel et les acteurs, présentent un faux-visage.
L’espace qui abrite la scène théâtrale est un espace conventionnel. Il ne reflète pas la réalité telle qu’elle est. Il s’agit d’une recréation dont l’artisan principal reste le scénographe. Les éléments du décor sont souvent constitués de matériaux légers faciles à déplacer pour permettre les changements d’espace. Le spectateur accepte de prendre l’illusion créée pour une vérité pendant le temps que dure le jeu. Ainsi, les salles, abritant le spectacle, comporte une scène fixe où se déroulent toutes les actions prévues dans la pièce. C’est le cas des salles « Daniel Sorano » et « Le Grand Théâtre » de Dakar. Dans la même veine, le temps de la représentation qui dure généralement quelques heures diffère grandement du temps réel. Tout ne peut pas être montré en une heure ou deux heures. Dès lors, un choix s’impose. Le metteur en scène est obligé de faire des tris en privilégiant certains aspects de la vie au détriment d’autres. L’exemple le plus pertinent est donné par le théâtre classique qui entretient un double mensonge temporel. Dans la tragédie comme dans la comédie, l’action principale qui se déroule du lever au coucher du soleil est jouée sur scène en deux heures.

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Par ailleurs, la double vie du texte théâtral autorise le metteur en scène à choisir sur la base du mérite artistique des comédiens qui vont incarner le rôle des personnages crées par le dramaturge. Ces acteurs, connus du grand public, se départissent de leur manteau de civil pour se mettre dans la peau des êtres de papier. Ainsi, ils abandonnent leur nom de famille, leur situation sociale, leur caractère, leur psychologie, bref leur identité pour refléter tant au niveau du comportement que de la voix le personnage incarné. Le spectateur, embarqué dans le jeu, appréciant tantôt par des applaudissements, tantôt par des sifflets le spectacle, cautionne et valide le mensonge crée qui l’écarte de la réalité. Tout le monde sait qu’Ibrahima Mbaye Sopé n’est pas Christophe dans la représentation de l’œuvre dramatique d’Aimé Césaire, La tragédie du roi Christophe. De même, le célèbre artiste Gérard Depardieu, qui incarne en 1983 à Strasbourg le rôle de Tartuffe, comédie écrite par Molière au XVIIe siècle, n’est pas le personnage du livre.
En somme, l’art dramatique reste une illusion de vérité dans la mesure où il se veut une recréation de la réalité qui transfigure le cadre spatiotemporel et les personnages.

En revanche, l’idée qui élève le théâtre au rang d’art illusionniste n’est pas toujours valable. En effet, la représentation dramatique s’inspire des faits de la vie sociale qu’elle essaie de refléter de façon sincère et objective. Elle étudie l’histoire et les mœurs de la société. C’est le cas du théâtre africain dont l’objectif est, d’une part, une prise en charge des préoccupations du continent en termes de réhabilitation de son histoire malmenée par le colon, et d’autre part, une dénonciation des dérapages liés à la violence, aux inégalités sociales… Ainsi, dans Les derniers jours de Lat-Dior, le dramaturge Amadou Cissé Dia revisite un pan essentiel de l’histoire coloniale du Sénégal à travers le parcours héroïque du damel du Cayor. Le même tempo est noté du coté de Nder en flamme, pièce de théâtre dans la quelle Alioune Badara Bèye met en exergue la solidarité des femmes du village sénégalais de Nder qui ont préféré la mort à la captivité.

Dans le même ordre d’idées, le théâtre se veut proche du vrai par la peinture des défauts des hommes. Le dramaturge est un observateur fin qui s’imprègne de tout ce qui se passe dans la société. Il passe à la loupe le comportement des uns et des autres et dresse un tableau révélateur des défauts et vices qui gangrènent la bonne marche de la cité. Ainsi, Molière, dans Tartuffe développe un sévère réquisitoire contre la fausse dévotion notée au sein de l’église chrétienne du XVIIe siècle. Il dénonce l’hypocrisie devenue une plaie pernicieuse dans le clergé. Hugo enfourche le même cheval dans Ruy Blas, pièce où il condamne avec la dernière énergie les fossoyeurs du royaume d’Espagne surpris en train de partager les deniers de la communauté. «Bon appétit, messieurs ! (…) Serviteurs qui pillez la maison ! Vous n’avez pas honte et vous choisissez l’heure / L’heure sombre où l’Espagne agonisante pleure » !
En résumé, le théâtre reste une activité humaine qui cherche à travers le jeu à montrer de façon plus vivante nos habitudes, nos manières de voir, d’agir et de penser.

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Au sortir de cette analyse, l’on peut constater que la question de la représentation théâtrale reste complexe. Même si le théâtre s’adosse sur les bases de la fiction avec une forte transfiguration de ses éléments structurants que sont le cadre spatiotemporel et les personnages, il demeure toujours un art qui plonge ses racines dans le vrai. Mais, ces deux visions qui s’excluent théoriquement peuvent dans une certaine mesure établir des plages de convergence. Le spectateur qui accepte les clauses de la représentation théâtrale se focalise plus sur le contenu du message inspiré de la vie que sur les conditions de réalisation du spectacle.

En définitive, le théâtre comme toutes les autres formes d’art n’est pas né ex nihilo. Il s’ancre dans un espace socioculturel bien déterminé qui constitue l’illusion référentielle. Proche de la vérité par sa thématique, l’art dramatique s’en écarte par la rigueur de la représentation scénique qui invite le spectateur à accepter et supporter le mensonge maquillé. Ainsi, il s’avère difficile de dissocier réalité et fiction dans la création artistique. Ces deux domaines, très présents dans la représentation théâtrale, entretiennent un rapport dialectique qui donne à cette œuvre d’art tout son charme. Mais au vu du développement fulgurant des supports audiovisuels qui passent au quotidien des milliers de téléfilms, ne s’achemine-t-on pas tout droit vers l’extinction du théâtre de salle ? L’acteur de théâtre a-t-il de beaux jours devant lui ?

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