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Moussa Lo, Coordonnateur de l’UVS : « Avec l’UVS, le Sénégal se positionne dans l’enseignement supérieur »

L’Université virtuelle du Sénégal (Uvs) assume sa place dans la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur. L’institution atteindra bientôt sa vitesse de croisière. De 2.000 étudiants en 2014, l’Uvs comptera près de 22.000 en 2018. Au fil des années, le calendrier de démarrage des enseignements est stabilisé. L’année 2018 marque aussi la poursuite de la diversification de l’offre de formation. Au cours de cet entretien, le coordonnateur de l’Uvs, Moussa Lô, ancien directeur de l’Ufr Maths de l’Ugb et ex-directeur du Centre d’excellence du même établissement, a révélé que trois nouvelles licences sont créées (communication digitale, art numérique et graphique et développement d’application web et mobile). Contrairement à ce pensent certains, les étudiants de l’Uvs sont encadrés par 1.000 tuteurs. Ils ont aussi la chance de recevoir des cours des universitaires sénégalais de la Diaspora. Ce sont autant d’avantages qui poussent le coordonnateur à affirmer que les autorités ont vu juste en créant une université virtuelle.

Après cinq ans d’existence, peut-on dire que l’Uvs est sur les bons rails ?
Il est important de rappeler que l’Université virtuelle du Sénégal (Uvs) a été créée dans un contexte de réforme profonde de l’enseignement supérieur. Celle-ci a été engagée par le président de la République et son gouvernement. C’est dans ce cadre que des décisions présidentielles ont été prises en 2013. Et l’une d’elles consiste à mettre les Technologies de l’information et de la communication (Tic) au cœur du développement de l’enseignement supérieur. De façon plus précise, il s’agit d’améliorer l’accès à l’enseignement supérieur mais aussi de rendre plus efficace le système. L’Uvs a démarré avec 2.000 étudiants avec une offre de formation que je qualifierai de classique : des licences en Anglais, en Sociologie, en Sciences économiques et de gestion, les Sciences juridiques et politiques, Mathématiques et Informatique.

Cette offre de formation a été diversifiée en 2015 avec la mise en place de deux nouvelles licences, à savoir en Administration économique, en multimédia et communication. Ces deux licences ont été créées avec l’aide de la Banque africaine de développement (Bad). L’Uvs est passé d’un effectif de 2000 étudiants en 2014 à 14.000 étudiants. Nous acheminons vers la diversification de cette offre de formation. Nous envisageons de créer trois nouvelles licences : en Communication digitale, en Art numérique et graphique et en Développement d’application web et mobile. Cette diversification cadre avec la directive N°1 du Conseil présidentiel sur l’enseignement supérieur qui met l’accent sur l’orientation de l’offre de formation vers les Sciences et la Technologie. Cette diversification nous permettra d’accueillir 8.000 nouveaux bacheliers. En 2018, l’Uvs aura plus de 22.000 étudiants.

Nous allons mettre sur le marché notre première promotion de Licence au mois de décembre. Cette sortie de promotion nous donne le prétexte de créer une offre de formation en Master qui va démarrer en janvier 2018. Tout compte fait, le bilan des cinq ans est positif. Il faut aussi reconnaître qu’il y a eu des difficultés au démarrage compte tenu du contexte. Il fallait donc s’attendre à ce que le projet ambitieux et innovant suscite autant d’incompréhensions. Ces difficultés ont été prises en charge. Nous avons fait de grands pas en termes de rétablissement du calendrier. Les trois premières promotions de l’Uvs ont démarré chacune avec un an de retard. Cela a eu des répercussions sur les enseignements. La quatrième promotion a démarré avec beaucoup moins de retard, la cinquième débutera au mois de novembre. Donc, au fur et à mesure, nous sommes parvenus à rétablir le système.

Nombreux sont pourtant les parents et étudiants qui ne vous font pas encore confiance. Que leur direz-vous pour les rassurer ?
Il y a forcément des résistances au changement à tout projet ambitieux et innovant. Un bachelier qui a l’habitude de suivre un enseignement synchro et transmissible de l’école primaire au secondaire, qui arrive à l’université et qu’on mette dans un système asynchrone et non transmissif, et à qui on demande de rester chez-lui et de suivre les cours, a du mal à s’adapter. Cela a été une difficulté. C’est pour cela que cette année, nous avons changé le modèle pédagogique. Durant le premier semestre, nous avons prévu une période d’adaptation. L’étudiant qui arrive à l’Uvs est pris en charge avec un système bimodal qui lui permet de s’adapter au nouveau mode d’enseignement.

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Nous avons prévu 9 heures en présentiel à l’Espace numérique ouvert (Eno) où l’étudiant suit les cours à distance. Le système bimodal permet à l’étudiant de s’adapter mais aussi de socialiser avec ses camarades. Nous avons aussi noté une nette amélioration dans le taux de rétention. Sur les trois premières promotions, nous avons un taux qui tourne autour de 65 à 66 %. Cette année, nous sommes à 80 %. Cela met en valeur une nette amélioration par rapport au taux d’abandon. Nous avons des taux de réussite corrects. Tout cela démontre que les étudiants se sont habitués à ce nouveau système d’enseignement.

Vous avez parlé de taux de réussite sans donner de chiffre. Pensez-vous que votre modèle d’enseignement que certains qualifient d’hydrique répond aux standards internationaux ?
Le taux de réussite moyen en première et deuxième années est de 67%. Pour L1 et L2, ce taux de réussite est correct lorsque nous faisons une comparaison avec les taux de réussite des autres universités. Cette année, nous avons un taux de réussite de 50 % au premier semestre. Ce taux sera amélioré à l’issue de la seconde session.

Pour revenir au modèle hydrique, il s’agit de s’adapter. Au bout de trois ans, on se rend compte que nous avons un taux d’abandon de plus de 30% qui est lié à une difficulté d’adaptation des étudiants. Il faut savoir que ces derniers n’ont pas une autonomie requise pour suivre un enseignement à distance. Ils n’ont pas aussi la culture du numérique qui est requise pour s’adapter à l’enseignement à distance. Donc, cette période de transition qui nous permet de les prendre en charge et de les mettre dans le dispositif de l’enseignement à distance n’a rien à voir avec les standards internationaux. Je le dis, c’est toujours de l’enseignement à distance, même s’ils sont dans l’Eno. Ces derniers sont obligés de venir à l’Eno durant des créneaux qui sont fixés. Après le premier semestre, le taux en présentiel est réduit. Même lorsque l’étudiant est chez-lui, il est obligé de rester connecté. Nous avons un emploi du temps qui permet de contrôler l’assiduité de l’étudiant. Lorsque vous ne contrôlez pas l’assiduité de l’étudiant, vous n’avez aucune garantie qu’il réussirait à l’examen. Le contrôle de l’assiduité nous aide à garantir la qualité de la formation et, par la même occasion, contrôler les tuteurs qui suivent ces étudiants. Car ces tuteurs peuvent aussi profiter de cette absence de contrôle pour ne pas faire correctement leur travail.

L’un de vos plus grands défis à relever est la disponibilité de salles de cours ou Eno. Où en êtes-vous en termes de construction des 19 prévus ?
L’Espace numérique ouvert (Eno) est un espace où se déroulent les activités pédagogiques. Il sert aussi à la promotion de la culture du numérique. Avec l’Eno, l’Uvs a la mission de fournir le service à la communauté, de promouvoir la culture du numérique sur l’ensemble du territoire national. A ce titre, l’Eno joue un double rôle. Nous avons un projet de construction de 50 Espaces numériques ouverts (Eno). Sur les 50, il y a 24 qui ont acquis un financement dont 11 dans le cadre du Budget consolidé d’investissement (Bci) de l’Etat, cinq ont été financés par la Banque africaine de développement (Bad), huit par l’Artp. Seize (16) sur les 24 sont déjà en chantier. Nous allons réceptionner un certain nombre d’Eno dans les mois à venir.

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Quid de l’équipement des étudiants (matériels pédagogiques comme les ordinateurs, les clés de connexion…) ?
Les étudiants de l’Uvs bénéficient gratuitement d’un ordinateur, d’une clé de connexion et d’un forfait Internet de 3 Giga qui passera à 5 Giga par mois grâce aux opérateurs. Ainsi, il a la latitude de suivre les enseignements à distance. En attendant la réception de nos infrastructures, nous avons des Eno provisoires au nombre de 12 qui offrent un environnement de travail aux étudiants avec une connexion Internet haut débit. Ils sont aussi en contact physique avec l’administration dans ces espaces. En 2017, nous avons distribué 6.000 ordinateurs et autant de clés Internet. Dans le cadre du programme « Un étudiant, un ordinateur », les premiers étudiants avaient déjà reçu gratuitement un ordinateur. Ces derniers ont la possibilité de changer leur ordinateur moyennant 50.000 FCfa. Le reste a été pris en charge par l’Etat.

La presse a fait cas, récemment, de l’acquisition par l’Uvs de feuilles d’examen. Pour une université dite virtuelle, c’est-à-dire où tout doit être dématérialisé, n’est-ce pas paradoxal ?
Moussa Lo Uvs 2Cela peut paraître paradoxal de faire des examens sur papier dans une université virtuelle. Mais il faut savoir que l’évaluation est une activité professionnelle très compliquée. Aujourd’hui, nous sommes convaincus que notre système d’informations ne nous permet pas de garantir la fiabilité d’un examen numérique. C’est pour cela qu’avec les enseignants, en attendant d’avoir un système d’information fiable, nous avons retenu de faire des évaluations sur papier et sur table. Cela nous donne plus de crédit.

Vous êtes aujourd’hui à plus de plus de 20.000 étudiants, soit plus que l’Ugb qui compte plus de 25 ans d’existence. Or, vous ne disposez pas encore de vos Eno ni de moyens financiers à la mesure de vos ambitions. N’est-ce pas un problème ?
Oui ! C’est un défi à relever. Je crois aussi que c’est cela le challenge. Le Sénégal tient une institution qui va permettre d’améliorer le système d’enseignement supérieur avec l’innovation pédagogique. Cette institution permettre au pays de se positionner dans le domaine qui est l’avenir de l’enseignement supérieur. Les technologies du numérique sont au cœur de l’enseignement supérieur. Nous ne pouvons pas y échapper. Le gouvernement du Sénégal a pris une bonne décision en créant l’Université virtuelle du Sénégal. Le défi est de faire en sorte que cette institution apporte les solutions adéquates en démocratisant l’accès à l’enseignement supérieur au plan géographique. L’étudiant peut rester chez-lui, recevoir des cours et bénéficier d’une formation. L’Uvs a la mission d’offrir une formation tout au long de la vie. Nous sommes en train de travailler sur une offre de formation continue pour élargir l’accès à l’Uvs à des fonctionnaires et aux professionnels des entreprises.

Avez-vous les moyens de vos ambitions ?
L’Etat est en train de faire beaucoup d’efforts. Même si nous avons toujours besoin de plus. Je pense que lorsque nous sommes dans une institution publique, il faut faire avec ce que nous avons. Notre défi est de travailler à générer des ressources complémentaires. Nous avons un plan stratégique 2018 et 2022. Nous allons le vulgariser. Il faut chercher des financements complémentaires pour la réalisation de nos ambitions.

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Vos étudiants bénéficient-ils d’un encadrement rapproché ?
L’Uvs a la chance de pouvoir compter sur le personnel enseignant diversifié qui peut se trouver n’importe où. En plus des enseignants des universités publiques et privées du Sénégal, l’Uvs s’appuie sur les enseignants sénégalais de la Diaspora. Beaucoup d’universitaires sénégalais de la Diaspora sont disposés à travailler avec nous. Cela nous a permis d’avoir beaucoup de ressources humaines. Nous avons la possibilité de faire intervenir, à distance, des spécialistes qui n’ont pas de temps de dispenser des cours en présentiel. Nous avons l’exemple du ministre de l’Enseignement Supérieur, M. Mary Teuw Niane, éminent mathématicien, qui a animé, cette année, un cours de licence de mathématique. Cela montre que nous avons la chance de pouvoir compter sur des spécialistes.

Pour l’encadrement rapproché, nous avons un système de tutorat. Nous avons un tuteur pour 20 étudiants dans des classes virtuelles notamment pour les TD. Nous faisons aussi de la rémédiation. Lorsque nous sentons, pour une classe donnée, qu’il y a un besoin de renforcer l’encadrement, nous envoyons un tuteur sur place. Nous avons des tuteurs basés à Saint-Louis, à Ziguinchor, à Kaolack, à Thiès et à Dakar. Nous avons une base de données de plus de 1.000 tuteurs dont 700 sont actifs en ce moment. Ce sont eux qui assurent l’encadrement rapproché.

Il y a eu, dans le passé, des difficultés dans l’organisation des examens. Le processus est-il aujourd’hui maîtrisé ?
Nous sommes à la cinquième promotion. Je dois préciser qu’en 2016, nous avons reçu deux cohortes de bacheliers. La première est composée de 6.000 bacheliers. Ces derniers étaient reçus depuis octobre. La seconde cohorte de 500 bacheliers vient de démarrer les cours il y a un mois. Ce sont des bacheliers qui étaient forclos dans l’inscription sur Campusen. Il n’y a que l’enseignement à distance qui peut permettre cette flexibilité. Tous ces étudiants font des évaluations qui sont parfois continues. Les évaluations se tiennent sur table. Dès qu’elles se terminent, les copies sont acheminées dans les Eno et à Dakar pour les corrections. Je le disais tantôt, cette année, la sortie de notre première promotion est prévue en décembre.

L’Uvs inspire beaucoup de pays. A votre avis, que faut-il pour améliorer davantage le système ?
L’Etat a eu la bonne idée de créer cette université au bon moment. Actuellement, les technologies du numérique sont incontournables. L’Uvs est un modèle. Elle a pris part à la conférence e-Learning-Africa en Ile Maurice. Nous étions le seul démembrement de l’Enseignement supérieur qui avait un stand. Nous avons aussi présenté le modèle pédagogique de l’Uvs. On s’est rendu compte qu’il était très demandé. Des pays viennent pour s’inspirer de notre modèle. Nous sommes invités à la Conférence du Réseau pour l’excellence de l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest (Reesao) en Côte d’Ivoire du 11 au 13 octobre 2017.

Que faut-il faire pour améliorer le système ? Il nous faut impérativement garantir la qualité de la formation. L’un de nos défis, c’est de s’assurer que l’étudiant qui entre à l’Uvs, au-delà de ressortir avec un diplôme, acquiert des compétences qui lui permettent de s’insérer dans le milieu socioprofessionnel. Nous devons aussi travailler à automatiser le système d’information de l’université. Nous avons surmonté les difficultés de départ. Aujourd’hui, nous avons un modèle pédagogique stabilisé et qui garantit la qualité de la formation.

Propos recueillis par D. MANE, I. SANE et Sarakh DIOP (photos) – Le Soleil

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