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Avec la grève, les élèves perdent 10 à 12 heures de cours par semaine (Syndicaliste)

Le temps d’instruction effectif reçu par les élèves est clairement défini par le décret 2017 – 13 44 du 15 juin 2017 relatif aux trimestres et à la durée des congés et vacances dans les établissements scolaires pour l’année 2017-2018. L’objectif en terme de quantum qui se chiffre à 1290 heures dues, est très réduit à cause de divers facteurs. Si le démarrage l’année scolaire est tardif, surtout en milieu rural, les heures perdues non remboursées, les affectations tardives du personnel, l’anticipation systématique des fêtes, il n’en demeure pas moins que la question du temps scolaire reste une préoccupation fondamentale. Les pertes de temps d’enseignement/ apprentissage sont liées en partie aux jours de grève décrétés par les syndicats d’enseignants. Pour la matérialisation des accords, ils continuent d’enchainer les mouvements d’humeur, au grand dam des élèves et parents. Cette situation met sérieusement à l’épreuve la somme des connaissances acquises par l’élève en fonction du temps de présence effective en classe. C’est ce que semble dire le syndicat des inspectrices et inspecteurs de l’éducation nationale du Sénégal (Siens). Le secrétaire général, El Cantara Sarr affirme que « la grève actuelle des enseignants génère un déficit moyen de 10 à 12 heures hebdomadaires, soit 48 heures mensuelles, selon les remontées d’information». En plus de faire un état d’avancement du protocole d’accords qu’ils ont signés avec le gouvernement en décembre 2014, il est revenu sur la surveillance des compositions par des éléments étrangers en mentionnant qu’il n’est nullement, dans aucune des dispositions parcourues, un moment ou des administrations des chefs d’établissements ou directeurs d’écoles aient des possibilités de recourir à des personnels extérieurs pour assurer le bon déroulement de ces compositions.

Les syndicats d’enseignants se félicitent du taux important de suivi des mots d’ordre. Etes-vous du même avis en tant que syndicat responsable dans les inspections académiques ?

Nous évoluons dans un cadre réglementaire précis. Nous avons un quantum horaire annuel prescrit par le décret 2017 – 1344 du 15 juin 2017 relatif aux trimestres et à la durée de congés de vacances dans les établissements scolaires pour la présente année scolaire. Selon les termes de ce décret pour la présente année scolaire, l’objectif en terme de quantum se chiffre à 1290 heures dues. En ce qui concerne les enseignants de l’élémentaire, ils doivent à l’Etat, 30 heures hebdomadaires défalquées d’une heure consacrée à la formation continue. Cela fait 29 heures par semaine à l’élémentaire. Pour le moyen secondaire, les professeurs ont un minimum de 21 heures par semaine et un maximum de 24 heures. Voilà le cadre réglementaire pour l’effectuation du quantum presclporit. Cependant, la réalité démontre que c’est 900 heures qui sont ciblées, en lieu et place des 1290 heures dues. Le Sénégal considère que les 900 heures sont une moyenne qui pourrait être satisfaisante. Mais la pratique démonte que chaque année, 200 à 300 heures sont perdues. D’où un quantum effectif réalisé de 600 à 700 heures du fait de contraintes diverses telles que l’anticipation systématique des fêtes, le démarrage tardif de l’année scolaire, surtout en milieu rural, les heures perdues non remboursées, les affectations tardives du personnel etc.

Au mieux, 700 heures sont réalisées. Cela à partir d’une langue étrangère mal maitrisée au moment où dans certains pays asiatiques il est réalisé 1200 à 1300 heures sur la base de la langue maternelle. Nous sommes loin de cet objectif au Sénégal. Ainsi, si nous récapitulons, en raison de 200 heures perdues chaque année, chaque apprenant sénégalais, notamment à l’élémentaire, qui perd en moyenne 1200 heures par cycle, effectue réellement 5 années en lieu et place des 6 années prévues au niveau de l’élémentaire dans un contexte de poursuite de l’objectif de développement durable 4. C’est une catastrophe. Ce qui dénote un état de gaspillage énorme de ressources pour un pays qui a des difficultés à adresser des réponses aux problématiques qui se posent à lui.

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La grève des enseignants s’inscrit dans ce contexte qui dénote d’une difficulté à réaliser le quantum. Ce qui pose la problématique du temps de présence de l’enseignant dans la classe. Cette grève est un élément aggravant, quoi qu’en disent les autorités en charge de l’éducation.

En effet, selon les remontées d’information, la grève actuelle des enseignants génère un déficit moyen de 10 à 12 heures hebdomadaires, soit 48 heures mensuelles, parasitant le processus d’enseignement apprentissage. En données constantes, on peut noter 144 heures pour 3 mois. Ainsi, au regard des 403 heures dues pour le second trimestre conformément au décret, il ne restera que 259 heures ou environs 2 mois de cours effectifs qui ne facilitent pas les bonnes conditions de transmission de connaissances. C’est le gouvernement qui est interpellé au premier chef pour créer des conditions de retour à la sérénité et à la stabilité en posant sur la table des problématiques objectives.

Toutes les parties prenantes doivent travailler davantage à la consolidation de notre école publique. Nous assistons à une menace constante de notre école publique en faveur du privé. Ce qui favorise un approfondissement du processus de marchandisation de l’éducation. Les conséquences sont les contreperformances, avec une perte de 2 à 6 points sur toutes les évaluations nationales. Le risque d’aggravation sur le cycle supérieur en terme de capacité des étudiants à assimiler les compétences et connaissances requises, mais en terme de crédibilité de nos diplômes. Autant d’éléments qu’il faut considérer parce que l’école est le fondement de notre développement. Sans une école performante, nous ne saurions valablement aspirés à un développement. Corriger les iniquités. Travailler sur le renforcement de la formation continue, l’accompagnement de l’enseignant et le motiver.

Il a été noté dans certaines écoles et établissements le déroulement des compositions en présence des agents de sécurité de proximité ou d’anciens élèves, du fait du boycott des enseignants. Est-ce une bonne démarche de l’administration déconcentrée ?

Les investigations en la matière ont démontré que d’un point de vue réglementaire et dans la chaîne de commandement de l’administration scolaire, il n’y a pas de consignes ou de mot d’ordre, sous forme écrite ou orale, qui seraient à même d’instruire les chefs d’établissements ou directeurs d’écoles de recourir à un quelconque élément étranger pour assurer le bon déroulement de ces évaluations.

Le parcours de la documentation réglementaire organisant le fonctionnement des administrations scolaires des établissements et des écoles, ne révèle nullement, dans aucune de ses dispositions, une prérogative attribuée à un chef d’établissement ou à un directeur d’école, de recourir à un agent de sécurité ou un ancien élève pour assurer le déroulement desdites évaluations.

Il est prévu par la réglementation en vigueur le recours à un personnel qui est commis à la tâche. Ce personnel est composé de professeurs et des surveillants qui ont en charge d’assister le chef d’établissement ou le directeur d’école dans le fonctionnement régulier de l’école ou de d’établissements, de manière à faire respecter ou à donner réalité au principe de continuité du service public. Par extraordinaire, ce qui est prévu dans le cadre de la loi 61-33, c’est la possibilité donnée à l’administration de recourir à la réquisition pour faire en sorte que des missions de service public essentiel puissent s’inscrire dans la continuité.
Mais il n’est nullement, dans aucune des dispositions parcourues un moment où des administrations des chefs d’établissements ou directeurs d’écoles aient des possibilités de recourir à des personnels extérieurs pour assurer le bon déroulement de ces opérations.

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Cette situation pose la problématique de la crédibilité de nos institutions scolaires. Quelle est l’image que nous renvoyons à l’opinion, aux parents d’élèves si l’administration aurait besoin d’éléments extérieurs, pour assurer le fonctionnement des écoles et établissements ?
Cela renforce le processus de dé-crédibilisation de nos institutions scolaires. Ce qui est en contrario avec ce que nous attendons tous de notre école. Une chose est d’assurer le bon fonctionnent. Ce qui est problématique dans ces conditions. C’en est une autre la correction qui devra être assurée par les professeurs. Quel état d’esprit des élèves soumis à cette surveillance devant d’éléments étrangers ? Cette action est inefficace.

Quelle appréciation du SIENS fait sur l’état d’avancement du protocole d’accords que vous avez signé avec le gouvernement ?

Les revendications des enseignants et les négociations entre gouvernement et syndicats s’inscrivent dans une conjoncture sociale qui se caractérise par une instabilité et un renforcement des clivages, donc des menaces de l’école publique.
Cela est paradoxal, car les élections de représentativité devraient être porteuses de stabilité dans la mesure où elles iraient dans le sens d’une rationalisation de la négociation collective et du dialogue social. Le contexte post électoral n’est pas en adéquation avec les attentes. Il est nécessaire de travailler à trouver des espaces de partage, de mise en synergie pour faire de ces élections un déterminant de stabilité et une prévalue pour le système d’éducation et de formation.
A travers le budget 2018, qualifier de budget de cohésion d’un montant de 3709 milliard de F CFA dont 413 milliards pour l’éducation, avec une proportion affichée de 25,5%, on se rend compte qu’il y a encore un effort à faire du point de vue de la vérité des chiffres et un effort à faire du point de vue du renforcement du financement domestique de l’éducation. C’est une question vitale liée à une logique de développement. Comme proposition du gouvernement, nous avons recensé environ une trentaine de milliards pour le rappel d’intégration et d’avancement, la mise à disposition des parcelles, le dégel des prêts DMC bloqué depuis quelques années.

En qui concerne le protocole d’accord du 30 décembre 2014 que nous avons signé avec le gouvernement, le Siens a relevé quelques acquis. Dans une dynamique de résolution et de progression, nous préférons nous appesantir sur quelques difficultés qu’il faudrait aplanir dans une logique de stabilisation. Nous attendons 30 véhicules pour les 16 d’inspections d’académie et 14 véhicules pour les centres régionaux de formation du personnel enseignant (Crfpe). En plus, il est impératif que des fonctions de pilotage soient les seules prérogatives des corps de contrôle. Profitant de la révision du décret 2017-604, le ministre de l’Education a introduit deux dispositions lui donnant désormais des prérogatives de nomination, en dehors de l’appel à candidature. C’est une dérive et une discrimination par rapport à l’accès au fonction d’inspecteur d’académie. Nous demandons au gouvernement de revoir cette disposition, pour faire en sorte d’avoir une plus grande acceptation des corps de contrôle. Nous déplorons les lenteurs notées dans l’élaboration du cadre de référence des districts pédagogiques. Un arrêté a été pris, mettant en place un groupe de travail devant déboucher sur un atelier de validation du cadre de référence. La problématique de la mobilité horizontale des inspecteurs est aussi un point fondamental. Il s’agit des détachements dans les organismes requérants leurs expertises.

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Nous avons relevé un recrutement de 70 inspecteurs de spécialité et de vie scolaire, après la sortie du décret 2011 – 537. Beaucoup d’efforts restent à faire. Une récente étude recommande 110 inspecteurs de spécialité, 30 inspecteurs de vie scolaire. Si nous ne faisons pas attention sur ce segment, l’objectif planifié de quadriller le moyen secondaire, avec un dispositif d’encadrement, ne sera pas atteint. Ce qui pose un sérieux problème en terme de qualité. Le recrutement n’est plus fait depuis quelques années. On note un recrutement uniquement sur le segment inspecteur de l’enseignement technique et de la formation dont la dernière promotion vient de sortir. Elle couvre un effectif de 7 inspecteurs. La dernière autorisation de l’enseignement élémentaire porte sur le recrutement 50 inspecteurs qui devront sortir dans 2 ans ou dans 4 ans au plus tard. Le système a besoin d’inspecteurs, car le ratio est défavorable au niveau de l’élémentaire et catastrophique au niveau du moyen secondaire.

Les négociations entre gouvernement et syndicats achoppent sur la question du régime indemnitaire. Quelle est votre position sur ce point de revendication ?

Nous avons noté que le fait de dire : sur 13 millions de sénégalais, moins de 200 000 consomment directement plus du tiers des recettes fiscales tout en se partageant le reste des ressources publiques, est un discours de déconstruction sociale. Il faudrait que le gouvernement fasse un effort du point de vue de la communication parce qu’il ne s’agit pas d’opposer les fonctionnaires ou les agents de l’Etat à une autre partie de la population. Nous saluons l’ouverture effectuée par le gouvernement à travers une proposition de 12 milliards FCFA à partir de janvier 2019, en raison d’un (01) milliard par mois. Cela équivaut à une base de travail.

Cependant, il y a un risque de diversion, car le vrai enjeu tourne réellement au tour de la correction des iniquités constatées dans le système de rémunération des agents de la fonction publique. De ce point de vue, nous avons dénoncé et déploré le fait d’enlever l’indemnité de logement du Paquet qui avait été globalement appelé les questions à incidences financières rattachées aux conclusions de l’étude sur le système de rémunération. Nous pensons que le gouvernement doit adresser avec courage cette question parce qu’il est sérieusement entendu là-dessus. Mais, en lieu et place, nous constatons qu’il y a une logique binaire qui raisonne uniquement en terme de nivellement par le haut ou par le bas. Ce qui est en contradiction avec les diverses possibilités qui pourraient s’offrir à nous au cas où de concertations sérieuses seraient menées avec les différentes parties prenantes. Nous invitons donc le gouvernement d’aboutir rapidement en faisant des efforts sur le système de rémunération, à un accord provisoire, tout en utilisant le temps attaché à celui-ci à ouvrir des concertations sérieuses sur les conclusions. Il n’y a que par cette voie-là qu’on pourra atteindre nos objectifs que nous nous sommes assignés du point de vue de la stabilité.

Il semble que le gouvernement manque sérieusement de courage et d’imagination en la matière et opterait plutôt pour une solution risquée de reconfiguration du système de rémunération sur la base de la performance. Ce qui serait très coûteux pour le pays et préjudiciable pour les agents de la fonction publique qui ne réclament que la correction des iniquités promises en cohérence avec le système de grille salariale, de hiérarchie, d’indice et de grade actuel.
Ces négociations, contrairement aux craintes du gouvernement, pourraient déboucher sur une sortie de crise parce que les syndicats sont assez responsables.

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