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« Le privé est la 2ème plus grande université publique derrière l’Ucad »

Partenaires privilégiés de l’Etat du Sénégal dans la prise en charge des nouveaux bacheliers qui ne sont pas orientés dans les universités publiques, les établissements privés d’enseignement supérieur courent, selon le président de la Conférence des universités privées du Sénégal (Cepes), Mamadou Gningue, derrière une dette de 10 milliards de FCfa représentant la facture que leur doit le gouvernement pour l’année académique 2016-2017.

Depuis 2013, l’Etat a opté pour l’orientation de nouveaux bacheliers dans les établissements privés. En tant que président de la Conférence des établissements privés d’enseignement supérieur (Cepes), quel regard portez-vous sur ce partenariat ? 

Il faut dire qu’à ce jour, il y a eu des efforts importants de la part des autorités étatiques pour nouer un partenariat avec le pôle privé et régler ainsi le problème de l’accès des bacheliers à l’enseignement supérieur. L’Etat s’est engagé à prendre en charge leur scolarité à travers un programme d’allocations d’études et bourses. De cette façon, l’onde de choc issue de la crise de la non orientation des années 2010 a été atténuée. Bien sûr, il y a eu des conditions d’éligibilité posées par l’Etat pour recevoir ces étudiants. Les établissements privés d’enseignement supérieur dont les filières sont reconnues par le Cames et l’Anaq Sup ont été ainsi retenus. De notre côté, nous avons mis les bouchées doubles en termes de logistique, d’infrastructures d’accueil et de recrutement de nouveaux enseignants pour assurer la formation des étudiants.

Il faut aussi dire que les établissements privés ont fait des efforts très importants. Nous avons fait une réduction de 40 à 50 % sur les tarifs pratiqués à l’Etat du Sénégal. Nous avons accepté de nous engager dans cet élan de formation de l’élite sénégalaise pour endosser le développement et l’émergence du pays. Hélas, nous avons l’impression que cet effort n’est pas réciproque. D’abord, il y a eu une modification du contrat. Sans grande concertation, l’Etat a fait passer l’enveloppe par étudiant de 600.000 à 400.000 FCfa. Malgré tout, nous avons accepté de poursuivre ce partenariat. Aujourd’hui, les établissements privés accueillent, sur la base des statistiques à la fermeture de l’année dernière, 43.000 étudiants orientés par l’Etat du Sénégal. Avec la rentrée académique 2017-2018, nous en auront entre 50.000 et 60.000. Ce qui fait du privé la 2ème plus grande université publique du Sénégal derrière l’Ucad. Mais, là où l’Etat dépense près de 150 milliards de FCfa pour entretenir quelques universités publiques, le privé est laissé en rade avec un budget très réduit. Le contrat qui nous lie stipule qu’avant le démarrage des cours, l’Etat doit verser un acompte de 50 %. Ce qui n’a jamais été fait. Le comble, pour l’année académique 2016-2017, aucun établissement n’a été payé. Or, les cours pour l’année 2017-2018 ont commencé. Sur ce, nous lançons un appel au gouvernement et au président de la République. Il nous est difficile de continuer les enseignements, cette année, sans le paiement de cette dette de 2016/2017 et le versement de l’acompte de 50 % sur les factures pour l’année 2017/2018. Il paraît qu’on doit encore de l’argent à certains établissements pour l’année académique 2015-2016 ou qui ont été payés très tardivement. L’Etat nous doit au moins une dizaine de milliards de FCfa.

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Déjà, certains dénonçaient le manque de qualité dans l’enseignement privé en général, mais dans une telle situation, cette qualité peut-elle être atteinte ?

Si l’Etat ne redresse pas la barre, il est quasiment impossible de faire de la qualité. Sans les moyens, c’est impossible de parler de qualité. Avant 2012-2013, la qualité était dans le privé. Mais, avec cette orientation qui a entraîné une massification de nos effectifs et un développement exponentiel de nos investissements, cela nous paraît difficile de respecter l’ensemble des normes qualité fixées par l’Unesco et les organes d’accréditation si les moyens ne suivent pas. Par contre, au vu des résultats en termes d’obtention de diplômes et surtout de taux d’insertion (principale mesure de l’efficacité des universités) et de passage des filières au Cames, on peut évidemment dire qu’il y a de la qualité dans le privé supérieur. En effet, celles-ci sont considérées comme un reflet des différents déterminants de la qualité de l’éducation. Toutefois, celle-ci risque d’être fortement écornée si les mesures arrêtées avec l’Etat ne sont pas respectées dans le cadre de la mise à disposition de bacheliers dont le chiffre ne cesse de croitre au moment où l’Etat traine des créances. Le fait que l’Etat n’ait versé aucun sou l’an dernier a eu des répercussions néfastes en termes d’image (des écoles n’arrivent pas à payer correctement leurs enseignants ; ce qui influe évidemment sur la qualité).

Pour trouver une solution à ce problème lancinant, nous proposons à l’Etat, même si nous devons supporter les frais financiers, d’apporter juste sa « signature » et de nous accompagner auprès des institutions financières nationales comme internationales pour lever les montants nécessaires afin de financer ce projet innovant et salvateur de la problématique de l’accès, de l’équité et de la qualité dans l’enseignement supérieur. La Cepes reste un partenaire du ministère dans ce programme et compte, lors d’une prochaine rencontre, approfondir la réflexion.

La dette que vous doit l’Etat peut-elle, à elle seule, expliquer le manque de qualité ? Autrement dit, le privé respecte-t-il les critères de qualité fixés par les organes d’accréditation ?

La qualité, c’est plusieurs choses. Ce sont des processus, des standards, de la planification qui se situent au-delà des structures et du personnel enseignant qui doit être de qualité. L’Orientation client des établissements de notre Conférence a transformé nos ressources personnelles, matérielles et financières en offre de formation et services pour garantir la conformité de nos produits aux services attendus par le marché. Dans ce cadre, notre souci permanent est de proposer des formations adaptées, un accompagnement en entreprise par des missions professionnalisantes, des stages et des alternances. Cette orientation client a nécessité la création de structures d’aide à l’insertion et aux stages. Et ce, dans le cadre de relations avec les entreprises.

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Pour ce qui est de la coopération avec les milieux professionnels, le pôle privé fait toujours preuve d’imagination et d’esprit de créativité, comme en attestent les réformes de ses programmes impliquant les experts de l’entreprise. Cela, pour plus d’adaptation aux attentes des milieux professionnels. La qualité est devenue notre préoccupation permanente. Ainsi, pour mieux coller à l’esprit du système Lmd, les professeurs encadreurs sont des chefs d’entreprise. Nous travaillons en étroite collaboration avec les acteurs de l’entreprise dans l’élaboration des programmes et l’ajustement des compétences des étudiants mis en position de stage pour mieux coller aux besoins de ces futurs employeurs.

Nous avons un meilleur taux d’encadrement avec au maximum 50 étudiants par classe et 25 étudiants en Master. Ainsi, le suivi est meilleur, les contrôles et évaluations plus réguliers. Toutes ces conditions participent à une meilleure insertion des étudiants dans le monde du travail. Par ailleurs, la formation à la création d’entreprises est prise en compte par beaucoup d’établissements. Elle permet à l’étudiant d’être formé en gestion de projets. Mais aussi, grâce aux modules de développement personnel et de développement professionnel de leadership et de coaching, de bien se comporter dans l’entreprise et d’avoir un bon réflexe pour créer une entreprise.

Dans le corps enseignant sénégalais, on n’a pas de professeurs titulaires du privé ou du public. Le professeur titulaire sénégalais est un professeur des universités. Et ce sont les mêmes professeurs du public qui dirigent, aujourd’hui, la quasi-totalité des conseils scientifiques et des directions académiques dans le privé. Mieux, le privé est en train de recruter beaucoup d’enseignants, des docteurs et des doctorants. On a la solution pour recruter quasiment tous les docteurs ou doctorants sortis dans les métiers de pointe. Le problème, c’est comment allier à la fois les difficultés financières engendrées par cette massification de nos effectifs et un besoin important de respect des règles. La qualité est un long processus, et cela dépend de la définition et de l’angle d’attaque. Ce qui est important dans nos formations, c’est que le monde du travail puisse absorber le sortant.

La recherche est le point faible du privé et nous sommes en train de régler ce problème. Cependant, quand il s’agit de l’employabilité, de l’insertion, du respect des normes, des cadres d’étude, du corps professoral et des ratios corps enseignants et formateurs, le privé est un exemple à suivre***. Mais, le problème, ce n’est pas la comparaison public-privé. Un décret a rétabli l’équilibre. De manière théorique, il n’y a pas un enseignement public et un enseignement privé, il y a un seul enseignement donné par les mêmes enseignants du public comme du privé. La qualité ne peut être discutable. L’Anaq-Sup y veille, le Cames aussi. Une centaine de diplômes des établissements privés ont été reconnus depuis fort longtemps et accrédités par le Cames. Nous sommes dans une démarche d’accréditation par l’Anaq. Le problème maintenant, c’est la question de la maîtrise des référentiels.

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Est-il pertinent d’appliquer les mêmes critères de qualité dans le public et dans le privé, dès lors qu’on sait qu’il y a une certaine différence dans les orientations ?

 

C’est une question importante qu’il faut se poser. Je lance un appel à l’Anaq pour la révision urgente et l’évaluation de ce référentiel. Quoi que appréciable, après cinq ans de mise en œuvre, nous avons besoin de l’évaluer, de le revoir afin de l’appliquer sur la diversité de l’enseignement supérieur. L’enseignement supérieur ne peut pas être unidirectionnel. Une école supérieure privée ou un institut ne peut pas fonctionner comme une université publique. Donc, on ne peut pas les évaluer de la même manière. L’idée de mettre en place l’Anaq est bonne. Il y a une expansion des établissements privés, il est normal qu’un contrôle accru soit fait. Il faut le faire en amont et ne pas attendre qu’il y ait des dégâts pour le faire. Aujourd’hui, n’importe qui peut entrer dans l’enseignement supérieur. Mais, il est nécessaire d’évaluer le référentiel.

 

Auteur: par Elhadji Ibrahima THIAM – Le Soleil

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