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Lettre d’un étudiant à son papa !

Université GAAC
Le 04 Novembre 2017
Cher papa,
Me voilà dans un autre monde, un autre univers où tout m’est étranger, un monde dont vous et moi avions tant rêvé croyant que c’était la porte de la réussite, or tout devrait recommencer, les ambitions sont pleines ,les études supérieures demandent de la responsabilité, de l’abnégation, du courage surtout.Oui ! le courage parce que nos rêves avant le BAC ne sont qu’illusions et désespoirs, les choses ne se passent pas comme nous les imaginions, de ce fait, il me faut se battre pour ne pas revenir bredouille.
Les conditions sont tellement difficiles qu’on veut parfois jeter l’éponge, on se transforme en vrai sprinter pour ne pas se voir devancer,se réveiller tôt un impératif sinon on s’assoie à terre pour suivre le cours dans un Amphi à plus de deux mille étudiants, les chambres pleines, au moment où certains travaillent, d’autres se divertissent et on est obligé de faire avec car nous venons de milieux différents, les réalités et les objectifs ne sont pas les mêmes.Dans la restaurants, la qualité de la nourriture nous empoigne, à cours d’argent j’échange mes tickets pour manger du pain chocolat, le café et l’arachide berce ma faim vespéral. Je ne peux pas vous demander de l’argent car avec celui de la moisson que vous m’aviez envoyé je me suis inscrit, ma bourse est minime par rapport à mes besoins et pourtant, je la partage souvent avec mes petits frères sans que tu ne le saches. Parce que comme vous le savez bien, rien ne marche au village ; les champs sont devenus improductifs à cause des déchets chimiques des carrières, nos terres sont ratiboisés par les exploitants miniers.

Oh mon pays! Oh la vie estudiantine ! Quel calvaire ! Il faut le vivre pour savoir pourquoi nous transformons l’université en champs de batailles lors desquelles certains ont perdu la vie. Paix à leurs âmes.
Les conditions sont scabreuses, certains succombent en quittant la fac se livrant à d’autres avatars, d’autres trouvent des moyens de s’en sortir ça et là.La réussite me tacle, je ne dois pas perdre du temps car je viens de loin, les urgences de la vie m’appellent, il est de mon devoir de transformer vos cases en immeubles, mes frères et soeurs attendent tout de moi, tantôt je dépose pour des concours et là, la situation est plus poignante parce que pour trouver des papiers, c’est tout un arsenal, les entreprises ne recrutent plus, que du népotisme dans les lieux de travail.
Trouver un emploi devient un vrai casse tête et même si on en trouve , cela devient dur car certains métiers ne nourrissent pas leur homme, je songe parfois à embrasser la politique parce qu’elle est devenue dit on le moyen le plus rapide pour se procurer de l’argent ou à retourner à l’agriculture vu que les grandes puissances se développent avec, mais l’agriculture moderne demande des moyens.La politique, quant à elle, son sens primitif a été usurpé sauf qui peut.
Les choses sont chaotiques papa, angoisse et désespoir m’habitent, le chemin est parsemé d’obstacles, l’université est un mirage, seul ma foi et le fardeau social me poussent à continuer la marche sinon je vais sombrer dans la délinquance comme bon nombre de jeunes de ma génération.
La situation changera t-elle ? Chose incertaine vu qu’on tend vers une privatisation de l’éducation, les inscriptions deviennent de plus en plus chères, une année vaut deux ans, les professeurs insoucieux de notre avenir baclent le programme et partent à l’étranger, s’ajoutent à cela les grèves tantôt venant des étudiants , tantôt des professeurs à cause des mauvaises conditions de vie, certains fils de nantis qui par, curiosité y étaient venus, vont se payer une formation. Dommage pour le pauvre .
J’espère que tes prières et celles de maman m’illumineront le chemin et m’aideront à concrétiser mon rêve et là j’aurais au moins un sentiment de satisfaction !
A nous revoir .
Par AHMADA SENE, Professeur au CEM de Thilogne (Matam)

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