Trois mois après les élèves, c’était hier au tour de 25 journalistes d’aller ‘’en classe’’ pour 48 heures. Les hommes des médias sont invités par la Cosydep à mieux comprendre les enjeux et les défis éducatifs, afin de mieux rendre compte à l’opinion.
Faire en sorte que l’éducation ait plus de place dans les médias, mais aussi faire ressortir davantage les enjeux dans le jeu des acteurs, est l’objectif de la Cosydep. Et pour cela, l’organisation, en partenariat avec Osiwa, a initié, depuis hier, une session de renforcement des capacités de 25 journalistes issus des divers supports de la presse. La Cosydep entend ainsi leur fournir plus d’outils et de stratégies face à la demande de ‘’redevabilité’’. La rencontre a ainsi permis d’aborder les bases de l’éducation au Sénégal et de revenir sur le processus des états généraux de l’éducation et de la formation de 1981 et des assises de l’éducation tenues en 2014.
Pour le moment, le constat est fait qu’il n’y a pas encore une grande différence dans le sort qui a été réservé à ces deux conclaves. Les recommandations des états généraux n’ont jamais été appliquées, l’Etat ayant avancé l’argument du manque de moyens financiers. Celles des assises n’ont été que très peu mises en œuvre. Selon l’expert évaluant El Hadj Ngom, en 2016, seules 10 % des décisions présidentielles ont été totalement appliquées. M. Ngom est en fait le coordonnateur de l’équipe ayant produit le rapport de suivi de la mise en œuvre des assises faite par la société civile. Selon toujours ce document, entre 11 et 12 % ont connu une application à moitié. Il y a juste un début d’effectivité pour les 45 %. Quant aux 35 à 40 % qui restent, il a été noté que rien n’a été fait. Or, un demi-milliard a été dépensé dans l’organisation de ces assises dirigées par le Pr. Abdou Salam Sall. Matar Thiam, le représentant du ministère de l’Education, a fait savoir qu’une relecture du Paquet est en cours, et elle prend en compte les décisions présidentielles ainsi que l’Acte 3 de la décentralisation.
Mais, au-delà même de ces assises, il a été question de l’école sénégalaise telle qu’elle a été et telle qu’est est actuellement, avec ses déficits et incohérences. Le doyen Cheikhou Touré est revenu sur les trois périodes de l’école : précoloniale, coloniale et postcoloniale. Selon lui, la première était adaptée aux valeurs de la société et à l’économie, même s’il s’agissait d’une économie de survie. La deuxième mise en place par le colon avait un objectif précis : produire le personnel subalterne dont avait besoin l’économie de traite, tel que les interprètes, les employés de commerce, les vétérinaires, infirmiers… ‘’Tout était centré sur l’intérêt du colon’’, souligne-t-il.
Rapport de force entre les différents acteurs
La troisième, celle d’après les indépendances, devait opérer une rupture pour se définir de nouvelles missions à partir d’un projet de société. Ça n’a jamais été fait et a été au cœur des confrontations entre le pouvoir et les organisations syndicales du temps de Senghor. ‘’L’axe central de la bataille des syndicats, c’est la refonte du système’’, rappelle Cheikhou Touré. Cette absence de refonte fait que les langues nationales n’ont toujours pas trouvé place dans le système. Une partie importante de la population en est exclue. La preuve par l’existence de 21 000 ‘’daara’’ au Sénégal. Et même parmi ceux qui y sont, il a été noté un taux d’abandon de 40 %. Bref, il fallait une rupture, un changement de paradigme, comme ça été prôné par les assises. Sauf que pour le moment, c’est mal parti.
Mais en fait, les différents choix opérés à chaque fois ne sont rien d’autre que le résultat d’un rapport de force entre les différents acteurs (pouvoirs publics, bailleurs de fonds, syndicats, société civile…) qui gravitent autour de l’école. D’où l’importance, pour les hommes des médias, d’en avoir une meilleure compréhension afin d’interroger tous les actes, discours et postures des uns et des autres, pour mieux rendre compte à l’opinion.
EnquetePlus