En adoptant la stratégie « Sénégal Numérique 2025 », notre pays fait un pas vers la prise en charge politique de l’opportunité d’accélération du développement et d’intégration mondiale qu’offrent les technologies de l’information et de la communication (TIC) dans un monde de l’information et de l’économie de la connaissance.
Le Plan Sénégal émergent (PSE) et sa mise en œuvre créent un environnement et un cadre indispensables au développement du numérique. Le PSE devra, toutefois, pour atteindre ses différents objectifs, tirer profit des atouts du Sénégal dans le domaine du numérique en favorisant l’éclosion massive de services qui en découlent : instruments de production de valeurs ajoutées, outils de création et de production massive d’innovations, supports de créations d’entreprises ou de modernisation de celles-ci.
En effet, une bonne maîtrise du numérique, sous tous ses aspects, participe à asseoir notre sécurité nationale et notre souveraineté. Le choix du numérique est à relier avec le développement de l’énergie solaire et des énergies renouvelables de manière générale et sa disponibilité partout sur le territoire national.
En définitive, le numérique est une opportunité à faible coût et à courte durée d’incubation pour construire une économie basée sur la maîtrise des compétences, le développement et l’utilisation de connaissances de pointe. Cette économie moderne s’appuie nécessairement sur une jeunesse compétente, dynamique et créative qu’il faut accompagner. C’est une économie à fort potentiel d’utilisation massive de main d’œuvre qualifiée. L’éducation, la formation professionnelle et technique, l’enseignement supérieur, la recherche, la science, la technologie et l’innovation constituent la base incontournable de la création massive de ce capital humain de type nouveau.
L’éducation et la formation sont d’ailleurs transformées par le numérique qui permet de renforcer la qualité, d’élargir et de démocratiser l’accès, de parfaire l’équité, de réduire les inégalités et surtout de lever les contraintes d’éloignement des grands centres urbains ou d’isolement d’un pays, permettant ainsi d’asseoir l’équité territoriale. Le piège le plus dramatique pour un pays en développement est de penser construire une économie basée sur le numérique par l’importation d’applications, de savoir-faire, d’expertises ou d’équipement entièrement conditionnés sautant ainsi l’étape essentielle de la conception-apprentissage-application-production-consommation sans laquelle peu d’expertise nationale se construit et aucune économie nationale ne serait durable.
Les pays africains tombent souvent dans le piège des offres avec facilité de payement provenant de pays souhaitant aider leurs entreprises expérimentées à écouler leurs produits.
Dans ce monde où la connaissance, en particulier, la science et la technologie sont au cœur des processus, des équipements et des infrastructures, des innovations, des services et des relations entre les gouvernements et les peuples, il est certes difficile d’être indépendant en tout.
Cependant il est tout à fait possible de choisir les partenariats, en rapport avec les priorités de notre économie, les besoins de notre société et les potentialités de notre culture, quelques domaines à fort impact économique, social et culturel dans lesquels le pays décide d’exceller. Et ainsi d’être, à l’horizon d’une génération, dans le top ten mondial. Ce choix a un impact sur tous les secteurs de la vie nationale. Il faut très rapidement réaliser et dépasser la question de la dématérialisation qui devrait être un espace privilégié d’application du concept conception-apprentissage-application-production-consommation pour aller résolument vers la création de startup, de PME et de PMI dont les produits sont le fruit d’innovations scientifiques et techniques. Ce défi est largement à la portée du Sénégal.
Au moment où la voiture autonome, la voiture robot, la voiture « intelligente » ou tout simplement la voiture sans chauffeur arrive sur les marchés des pays développés, que sont testés des robots pouvant remplacer le personnel d’accueil ou imiter les personnes de compagnie, l’Afrique ne peut plus se permettre de laisser ses femmes passer l’essentiel de leur temps journalier à s’éreinter dans des travaux pénibles dont la finalité se résume à manger, laver le linge, boire de l’eau potable, labourer le champs, s’éclairer, se soigner, traire les vaches, garder le troupeau, etc..
Le pilotage automatisé d’une exploitation agricole, le rétablissement de l’autonomie des personnes souffrant d’un handicap, la surveillance des troupeaux, l’automatisation du ramassage et du traitement des ordures, l’automatisation de la cueillette de fruits, la téléconsultation et la télé-intervention, le contrôle et la surveillance routière et des frontières, la promotion du tourisme, l’administration de médicaments, etc. sont autant de services et d’activités qu’il est possible d’assurer avec de meilleurs rendements et efficacité par des robots.
L’imagination des jeunes va au-delà de ces exemples très simples. Soutenus et surtout formés, ils sont en mesure d’intégrer le Sénégal dans le club des pays numériques. Le numérique n’est pas une discipline solitaire, encore moins un ensemble de disciplines scientifiques classiques comme l’informatique, les télécommunications, les mathématiques, l’automatique. En fait la force du numérique est l’interaction qu’il favorise avec d’autres disciplines pour résoudre certains problèmes, diagnostiquer, produire des applications, des objets avec une certaine autonomie et des robots capables dans certains cas de dépasser les performances de l’être humain.
Le monde s’est engagé inexorablement dans cette voie. L’Afrique sera-t-elle encore le Continent absent et qui constatera son lâchage du peloton des continents et pays émergents ? Ce qui se trame dans les laboratoires et dans les ateliers des institutions d’enseignement supérieur et de recherche et dans les entreprises, ce qui est en train d’être conçu par des startup, des PME et des PMI, ce que les armées, en toute discrétion, créent sous la couverture du code « classifié » est mille fois plus puissant, plus dangereux et surtout plus décisif.
L’Afrique doit se donner les moyens d’avoir le choix : faire ou ne pas faire. Le continent n’aura véritablement le choix que s’il détient les compétences, l’expertise et l’environnement infrastructurel lui permettant d’entreprendre en toute autonomie des projets numériques d’envergure mondiale au service des africains. Certaines questions comme le clonage ne relèvent plus de films ou de romans de sciences fiction. Entre éthique et curiosité malsaine, le pas est vite franchi d’agir sur les bactéries, les virus, les cellules, les êtres vivants tels les plantes, les animaux et …l’être humain ! Les plus faibles, les plus démunis en seront alors les victimes désignées. Sommes-nous sûrs de la nature, de la qualité et de l’innocuité des produits alimentaires que nous importons et consommons quotidiennement en tout insouciance ?
Plus la génétique moléculaire progressera, plus il nous faudra combiner des moyens biologiques et numériques puissants et sophistiqués pour apporter des réponses irréfutables à ces risques vitaux.
Le choix du Président de la République, Son Excellence Monsieur Macky Sall de créer la Cité du Savoir dans la nouvelle ville de Diamniadio est une réponse sénégalaise à cette lancinante question qui interpelle toute l’Afrique : prendre le départ pendant qu’il est encore temps ! La Cité du Savoir est un espace de concentration des meilleurs cerveaux sénégalais et africains avec leurs partenaires pour construire les connaissances et créer les innovations dont le Plan Sénégal émergent a besoin. Elle est bâtie sur une superficie de quatorze (14) hectares réparties en cinq (5) pôles : gouvernance, recherche-innovation-transfert de technologie-incubation, apprentissage et formation, promotion de la culture scientifique et services.
Elle recevra des équipements scientifiques et techniques lourds pour permettre à nos chercheurs et nos enseignants-chercheurs de ne plus avoir besoin d’aller dans des laboratoires étrangers pour faire leurs travaux avec comme conséquence le renforcement, par leurs publications, du classement de ces universités étrangères au détriment des notres. Le déplacement à l’étranger de nos chercheurs et enseignants chercheurs présente d’importants risques quant à la protection et au bénéfice de la propriété intellectuelle des résultats de leurs recherches.
Plusieurs plateformes mutualisées regroupant des équipements lourds sont en cours d’études et certains de ces équipements sont déjà acquis. Les équipements du Centre de microscopie électronique sont acquis, de même que ceux du centre de biotechnologie végétale. La plateforme de génétique moléculaire est en cours de dimensionnement avec nos partenaires de l’Université d’Evry. Elle comprendra une partie service et une autre recherche.
Le Sénégal a acquis le supercalculateur d’une puissance de calcul de 537,60 Tflops crête, le plus puissant d’Afrique après celui de l’Afrique du Sud, grâce à un financement de la Banque publique d’Investissement (BPI) de France. Il sera livré par l’entreprise ATOS courant 2018 et installé à la Cité du Savoir au Centre de Mutualisation et de Partage (CMP), le cœur du système d’information du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.
Un centre de fabrication de microsatellites sera aussi installé à la Cité du Savoir dans le cadre d’un partenariat avec ArianeGroup. La combinaison de la plateforme de génétique moléculaire et le supercalculateur permettra, par exemple sur place, de pouvoir très rapidement, déterminer si une farine de blé importée est issue de plantes génétiquement modifiées ou pas, d’établir des liens de paternité, d’identifier un individu présent dans un endroit donné, de diagnostiquer certaines maladies, etc. D’autres plateformes de recherche sont en cours de discussion avec l’Agence internationale de l’Energie atomique (AIEA).
L’acquisition du supercalculateur permettra également au Sénégal de construire une masse critique de licences, de masters et de doctorats dans les domaines de pointe de l’économie du savoir du vingt-et-unième siècle. Le modèle sera le master interuniversitaire sur les énergies renouvelables qui est un master commun entre les universités Gaston Berger, de Thiès, Alioune Diop de Bambey, Assane Seck de Ziguinchor et l’Ecole polytechnique de Thiès. Les filières choisies sont : l’intelligence artificielle, le Big Data, la cyber sécurité, la robotique, la génétique moléculaire, le calcul scientifique, la modélisation et la simulation numérique.
D’autres filières sont en cours d’étude comme par exemple les nanotechnologies et les données satellitaires. Un centre d’excellence en simulation numérique est prévu. Durant leur formation, les étudiants bénéficieront de stages en France. Le supercalculateur constituera un cadre de partenariat entre les institutions sénégalaises de formation, de recherche, les entreprises sénégalaises, certaines administrations et les chercheurs, les enseignants étrangers venus travailler avec leurs collègues sénégalais dans ce projet de formation, de recherche et de service. Les diplômés seront formés à l’entreprenariat et certains d’entre eux pourront lancer leur startup dans l’incubateur de la Cité du Savoir. La réception du Centre de Mutualisation et de Partage (CMP) est prévue au mois de mars 2018.
La Cité du Savoir va accueillir, sur un espace de deux (2) hectares, un démembrement du Campus universitaire franco-sénégalais.
En plus du CMP, plusieurs infrastructures sont en construction. L’Institut supérieur d’Enseignement professionnel (ISEP) de Diamniadio qui sera spécialisé dans les métiers de l’automobile et les métiers des TIC. Le siège de l’Université virtuelle du Sénégal de même que celui de l’Autorité nationale d’Assurance Qualité (ANAQ-Sup) sont en cours de construction.
Une innovation particulièrement importante est la création au sein de la Cité du Savoir d’un espace de promotion de la culture scientifique avec deux infrastructures en cours de construction : la Médiathèque et la Maison de la Science.
Les travaux de la Médiathèque touchent à leur fin. Elle accueillera des tout petits jusqu’aux adultes dans des espaces dédiés. La Maison de la Science comprend un aquarium géant, plusieurs plateformes de démonstration (mathématiques, physique, chimie, biologie, robotique, etc.), un espace astronomie, un observatoire d’astronomie et un planétarium. Sa construction est très avancée.
La Cité du Savoir est unique dans sa conception. Lieu privilégié de formation, de recherche, d’innovation, d’incubateur de startup, elle sera aussi un espace de promotion de la culture scientifique attirant les enfants, les jeunes et les adultes dans un environnement vert et aquatique propice à la réflexion, à l’apprentissage, au partage et à la sérénité. Espace piétonnier, sans voiture, la Cité du Savoir rapprochera le Sénégal avec l ‘étranger à travers le partage de la connaissance, la recherche, l’innovation et la construction de vocations précoces pour la Science et la Technologie.
Le président Macky Sall, en créant la Cité du Savoir, fait le pari de la Science et de la Technologie dans la contribution du Sénégal au Rendez-vous du Donner et du Recevoir au Banquet de l’Universel, si cher au Président Léopold Sédar Senghor.
Professeur Mary Teuw Niane, Ministre de l’Enseignement supérieur