Cette question aussi simple dans la formulation, dans l’apparence, est pourtant si chargée dans le contenu. En la posant, on peut être amené, au début, à la réduire à sa simple dimension ontologique, c’est-à-dire, qu’est-ce que l’homme? Qui est cet homme qui aspire à la liberté? Doit-on parler de liberté ou de libération? Puis, de fil en aiguille, tout se déroule, à l’image d’une bougie qui allume une autre, ensuite d’autres jusqu’à une lueur inattendue de clarté, sans pour autant arriver à une faim de connaissance rassasiée ou encore une soif étanchée de savoir.
A la question : qu’est-ce que la liberté ? Nous aimerions d’abord aborder celle liée à l’être, ce qui nous permet, après que le ricochet soit fait, de faire un glissement sémantique et enfin parler de la liberté, un mot dont le sens est souvent sujet à discorde.
Lhomme? Depuis Socrate, et bien avant même, se cherche et n’est parvenu qu’à de fragments de réponses et chacune d’elles le maintient dans une logique de spirale où le point de départ se confond toujours avec le point d’arrivée.
Nous partirons de ce qui fait de lui, l’homme, ce qu’il est, ce qu’il targue et s’honore d’être : une créature, la seule qui réfléchit, raisonne, en est conscient, adapte ses besoins en fonction des règles, des interdits et des permis.
N’est-ce pas, cette faculté qui lui permet d’être membre d’une société, société qui fait de lui un être à mi-chemin entre le naturel et le culturel? À partir de là, il ne pourrait ni se suffire de sa nature, ni de la culture qui, pourtant l’humanisme en le sortant de l’animalité même si cette dernière ne dort qu’à moitié œil. Cet homme dont il est question se laisse mouvoir entre le fleuve de sa nature et l’océan de la culture si bien qu’il ne pourrait se doter d’une religion, réaliser et se réaliser, fonder une famille, bref vivre sans la société. Une simple manière de dire que tout lui vient du milieu social et culturel, y compris la capacité d’utiliser un type de langage parmi tant d’autres à sa disponibilité pour communiquer et véhiculer un message. Certainement nous nous lasserions à force de nous regarder sans rien faire, voyant tous nos besoins satisfaits, l’oisiveté nous aurait tués et réduirait nos forces intellectuelles. C’est ainsi que le travail, moyen d’expiation du péché originel, nous permet de nous occuper, nous procurer du loisir, et parfois nous assujettir. Nous aurions besoin de mener des activités physiques et intellectuelles fussent-elles contraignantes. L’homme est-il continuellement conscient de ce qu’il est, de ce qu’il fait? Si être conscient c’est se rendre compte de ce qui se passe en soi et autour de soi, l’être humain est-il toujours conscient de ses actes?
La part d’inconscient en l’humain n’est-elle pas plus présente et significative que la part de conscience?
Voilà ce qui nous permet d’en venir à la problématique de la liberté. Liberté, qu’est-ce que cela donc? Je vais vous parler de la plus grande arnaque des temps modernes : la liberté. Toute preuve de la liberté devient un argument à brandir contre la liberté elle-même. La preuve : la définition la plus basilique du mot en question, celle qui la conçoit comme une absence totale de contrainte dans le sens d’indétermination ou encore du libre arbitre, cette forme de liberté est toutefois naïve. D’ailleurs, celui qui fait tout ce qu’il veut, obéit à ses passions, ses pulsions, ses penchants et reste aussi déterminé qu’un esclave, il est esclave sans le savoir.
Du coup, s’il lui arrive d’en être conscient pour vivre en rapport avec ce que veut la norme sociale, il obéit et reste tout de même déterminé, sous la contrainte.
En somme, si la contrainte ne vient pas de l’intérieur(les désirs personnels), elle viendra de l’extérieur (les lois sociales). Alors, à quand la liberté ? Et l’État ? Est-il garant ou menace des libertés individuelles et collectives.
Existe-t-il une réalité étatique qui va jusqu’à mettre en jeu sa survie pour défendre, garder et sauvegarder les libertés citoyennes, un État assez soucieux du respect des droits de l’homme pour s’interdire l’usage de la force, la violence et de sa légitimité ? Cet État ne nous est pas d’une réalité effective. Et encore davantage la liberté tout court.
Bref, comme l’homme se donne corps et âme pour saisir l’essence de son être sans y parvenir, de la même manière, il s’arrache pour se donner une liberté qui, finalement n’est qu’illusion. Pourquoi alors se donner une forme olympique dans l’esprit de courir après son ombre? Ou est-il condamné à tel point de ne pas pouvoir s’épargner cette peine?
Nourou Al Amiin
Professeur de philosophie
Lycée de Tattaguine