Le rapport 2018 de la Banque mondiale sur le développement indique qu’accéder à l’école n’est pas un gage absolu de formation satisfaisante. Des millions d’enfants sont incapables de lire ou de compter, même après des années de classe…
Peut-être y a-t-il pire, du point de vue des idolâtres de l’école, que des enfants qui ne prennent pas le chemin des classes. Ce sont les bambins qui usent leurs culottes sur les bancs, des années durant, sans pour autant assimiler les fondamentaux de l’enseignement prodigué. Pourquoi et comment alors demander aux populations désargentées de confier leurs bras mineurs à des institutions déjà qualifiées d’ « occidentalisantes » ? Le rapport 2018 de la Banque mondiale sur le développement dans le monde tire la sonnette d’alarme : aller à l’école ne serait plus une garantie de savoir lire, écrire ou compter.
L’agence financière des Nations unies a effectué des tests de connaissance dans de nombreuses écoles de tous les continents. Son rapport indique que des millions d’élèves de pays à revenu faible et intermédiaire sont incapables de lire, ni d’écrire, ni de résoudre des opérations de mathématiques élémentaires. Dans plusieurs pays d’Afrique de l’Est, lorsque certains élèves de troisième année de l’école primaire réussissent tout de même à déchiffrer des phrases simples, ils surprennent en dévoilant qu’ils ne comprennent pas ce que ladite phrase veut dire. Maigre consolation : pour une fois, le continent africain n’est pas le seul stigmatisé.
Crise « est d’ordre moral et économique »
En Asie, près de trois quarts des Indiens des campagnes, au même niveau de troisième année de l’école primaire, sont incapables de résoudre une soustraction entre deux nombres à deux chiffres. Sans chercher à pratiquer la satire, la Banque mondiale évalue qu’il faudrait… 263 ans à un Brésilien de 15 ans, à son rythme d’acquisition actuel, pour atteindre ce qu’il est convenu d’appeler un niveau moyen en lecture.
Si ce parfum d’échec de l’apprentissage scolaire exhale de toute la planète, il y a bien des inégalités entre les zones géographiques et entre les classes sociales. L’élève « excellent » d’un pays à revenu intermédiaire est en réalité à classer au niveau « inférieur » des pays plus riches. Le rapport de la Banque mondiale indique que les notes de l’élève moyen d’un pays pauvre sont inférieures à celles de 95% des élèves de pays à revenu élevé. Il est donc bien question de moyens, mais pas seulement.
En affirmant que la crise « est d’ordre moral et économique », le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, veut dire qu’elle est aussi le résultat d’un manque de volonté politique. Et de citer les exemples de la Corée du Sud et du Vietnam. En moins de 50 ans, le premier de ces deux pays est passé d’un taux d’alphabétisation extrêmement faible à une compétitivité remarquée dans les classements internationaux. Les Vietnamiens du second cycle du secondaire, eux, côtoient le niveau de leurs camarades allemands.
La Banque mondiale insiste sur le fait que l’apprentissage scolaire augmente fortement les chances de trouver un emploi
Bien sûr, « intelligence », « culture » ou même « éducation » ne sont pas absolument synonymes de « formation scolaire » ou de « tests de Q.I. occidentaux ». Mais la Banque mondiale insiste sur le fait que l’apprentissage scolaire augmente fortement les chances de trouver un emploi. De plus, lorsque l’accès à l’école est garanti et que l’enseignement est performant, la fréquentation des classes est source d’émancipation pour les jeunes filles et d’esprit civique pour tous. Par le sens même de son nom, la secte Boko Haram tente d’expliquer aux Africains que « l’éducation occidentale est un péché ». Quitte à commettre un péché, autant ne pas ressortir inculte de l’école…