Des étudiants inscrits en Licence 3 au Département d’Histoire, option Archéologie, ont réussi à transformer le minerai de fer en métal. Le procédé a été utilisé depuis des millénaires. Mais, c’est la première fois que cette technique a été reconstituée. La reconstitution de la chaîne de transformation a nécessité la fabrication d’un four avec des matériaux locaux capables de créer une température de 1.500 degrés Celsius.
L’archéologie expérimentale est en marche au Département d’Histoire de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Des étudiants en Licence 3, en se fondant sur leurs connaissances théoriques, ont reconstitué la chaîne de production du fer. Le préalable, c’est la fabrication d’un four de combustion. Ils ont ainsi construit un four en terre avec l’argile de termitière. Ce dernier, alimenté par du charbon collecté auprès des forgerons, est muni d’un système d’aération dans sa partie inférieure. Le four mesure 1 mètre avec des diamètres variant entre 60 et 80 cm.
Les matières entrant dans la construction ont influencé sur le produit. Parce qu’il faut, avant tout, obtenir une température requise pour espérer avoir au bout de la chaîne le fer. « Le four est construit avec de l’argile. La combustion a été obtenue avec le charbon recueilli auprès des forgerons. J’insiste sur ces détails parce que nous n’avons pas utilisé n’importe quel minerai », explique Lamine Kâ. Son camarade Raymond Nassalan ajoute une couche de détails aux procédés de construction d’un four. L’argile, dit-il, doit être mélangée avec de la bouse de vache ou de la paille, à défaut d’avoir l’argile des termitières. Mais, il faillait surtout maîtriser le système de ventilation, sans quoi l’obtention de la température sera compromise. « Avant de mettre le minerai et le charbon, il fallait laisser des espaces pour la ventilation. C’est après tout cela que nous avons abouti à ce que le professeur a recommandé », ajoute Saly Sagne. Le four est bordé de 4 tuyères avec une porte principale pour l’aération.
Le fer au bout de la chaîne
La ventilation est un facteur déterminant dans la réussite de la réduction. « Il faut comprendre que la réduction constitue l’épine dorsale de la métallurgie du fer. C’est une opération chimique pendant laquelle le réducteur utilisé (oxyde de carbone) agit sur l’oxyde du minerai de fer pour donner le métal. On sait que la température souhaitée pour la réduction se fait très bien à 1.520 degrés, c’est pourquoi nous avons aménagé 4 tuyères », expliquent les concepteurs. La chaîne opératoire est complexe. Mais, ces étudiants sont parvenus aux objectifs recherchés. « On a fini par trouver du fer. Ce n’est pas facile du tout. C’était un travail très difficile. C’est la première fois que nous le faisons », se réjouit Saly Sagne. C’est une première dans l’histoire du Département d’Histoire de l’Ucad : que des groupes reconstruisent la chaîne opératoire de fabrication du fer aidant à comprendre comment l’homme, durant les différentes périodes de l’évolution de l’humanité, a su maîtriser la métallurgie. « Les recherches ont montré que pour avoir du cuivre, une température minimale de 800 à 1.035 degrés Celsius est nécessaire. Or, pour le fer, il faut 1.500 degrés Celsius. Donc, l’obtention du fer nécessite plus de technicité. C’est une première dans l’archéologie expérimentale », revendique Raymond Pascal Nassalan. Le charbon de « forgeron » a été utilisé en lieu et place du charbon de bois, car, selon les enseignants du Centre de formation artisanale (Cfa), la réduction du minerai de fer en métal exige un charbon spécifique. Les analyses réalisées sur le produit fini ont confirmé que c’est bien du fer.
Vulgariser une vieille technique
Depuis le 16 juin 2017, leurs résultats n’ont pas fini de susciter l’intérêt au sein de la communauté universitaire. Le travail a déjà fait l’objet de publication. Cependant, pour Lamine Kâ, il y a encore un besoin de vulgarisation de ce procédé. L’équipe a démontré que les enseignements ne sont pas uniquement théoriques à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines de l’Ucad. « Après les cours, le professeur nous a dit qu’en lieu et place d’un examen sur table, nous allons faire de l’archéologie expérimentale. Il nous a demandé de fabriquer un four. Nous avons suivi ses conseils et utilisé les connaissances pour y parvenir », raconte Lamine.
Idrissa Sané Via Campusen.sn