Au cours de sa conférence de presse d’hier, 21 avril, Serigne Mbaye Thiam a menacé les enseignants grévistes de mesures de rétorsion, en brandissant la Constitution. Le ministre de l’Education nationale est, à juste titre, ulcéré par la surenchère interminable d’une corporation en éternelle contestation qui réclame des droits sans jamais honorer ses devoirs. Pareille attitude est d’autant plus lassante que beaucoup d’efforts ont été faits pour satisfaire ses revendications.
Le vendredi 30 mars, au moment où les Sénégalais avaient les yeux rivés sur le palais de justice de Dakar où devait être vidé le délibéré du procès Khalifa Sall et cie, le président de la République recevait les enseignants réunis autour des six syndicats les plus représentatifs. Sur leur principale revendication, à savoir l’indemnité de logement, Macky Sall leur a proposé la somme de 85 000 francs CFA à atteindre comme suit: 15 000 francs d’augmentation à partir d’octobre 2018 et 10 000 francs en janvier 2019. De 60 000 à 85 000, les enseignants n’ont pas craché sur la proposition mais ont demandé à consulter la base. Les vacataires n’ont pas été laissés pour compte, puisque le chef de l’Etat a également proposé une augmentation de salaire. Un plan d’apurement sur trois ans des rappels a aussi été discuté. Le président a promis un paiement entre 20 et 25 milliards par an jusqu’à épuisement total.
L’Etat a consenti un effort financier exceptionnel dans le souci de mettre fin à un cycle infernal de grèves qui ont fini de mettre à genou le système éducatif. Macky Sall a bravé le veto des bailleurs de fonds pour poser sur la table des mesures concrètes et audacieuses de sortie de crise. Parallèlement à la mise en oeuvre de ces mesures, il a demandé aux enseignants de reprendre le chemin des classes pour éviter de compromettre l’avenir des élèves. Sans être entendu.
Face à ces avancées, les enseignants n’ont en effet même pas eu la courtoisie d’amorcer le dégel. Ils ont continué à se livrer à leur activité principale depuis des décennies: faire grève. Comme si une confusion sémantique s’était installée dans leur esprit entre enseigner et faire grève. C’est trivial mais le rappel est pédagogique: un enseignant enseigne. Les enseignants ont déserté les classes pour le macadam des manifestations, les plateaux des médias, les lieux des assemblées générales, les tribunes des conférences de presse…
Ils continuent quand même d’être payés pour un travail qu’ils ne font plus, tout en se faisant défrayer pour des cours clandestins et illégaux dans les écoles privées. Cette escroquerie détruit l’école publique qui est passée du stade de la maladie grave à celui de la mort clinique. Or, l’école publique est le lien de la nation, l’espace de promotion de l’égalité des chances entre les citoyens, le lieu d’impulsion de l’élitisme républicain…
Serigne Mbaye Thiam a raison de s’offusquer devant un tel gâchis dans un pays qui fut naguère le quartier latin de l’Afrique et qui s’est mué en une usine de fabrique de nullards. Et c’est là aussi que les enseignants doivent être interpellés. Alors qu’ils posent des revendications surtout financières et très peu pédagogiques, le résultat de leur travail au cours de ces dernières années est plus catastrophique que la catastrophe.
L’Etat doit siffler la fin de la récréation. L’heure du retour dans les classes a sonné. Serigne Mbaye Thiam est attendu sur des mesures énergiques. Macky Sall a fait son devoir. Les enseignants doivent honorer le leur. Un sursaut de conscience professionnelle leur est nécessaire. Il faut arrêter les dégâts. Beaucoup de générations d’élèves ont déjà été sacrifiées sur l’autel d’un corporatisme vénal, irresponsable et anti-patriotique.
Cheikh Yérim Seck