Entamée depuis le 6 février dernier par la grève des contractuels, avant de se propager par effet domino à l’enseignement supérieur et l’enseignement technique et professionnel, l’ensemble du système éducatif guinéen est aujourd’hui paralysé par une grève déclenchée par l’inter-central syndicale de l’éducation SLECG/FSPE. En cause, un concours de recrutement dont le but officiel était de qualifier et rajeunir les enseignants et les revendications des syndicats sur la nouvelle grille salariale qui suscite toujours autant d’incompréhension et de sous-entendus.
Vu la tournure des évènements et du mouvement mené avec détermination par l’inter-centrale de l’éducation et les manifestations de rue des jeunes élèves qui ont suivi, le gouvernement n’a pas voulu prendre de risque. Il a pris la décision de fermer toutes les écoles du pays jusqu’à nouvel ordre, depuis le mardi 14 février en attendant de trouver un terrain d’entente avec les syndicats.
Le président Condé négociateur en chef
Si depuis l’entame des négociations, beaucoup de points de revendications ont été évacués, le principal point de friction entre syndicats et gouvernement demeure le point d’indice de la nouvelle grille salariale.
Alors que les négociations étaient jusque-là menées par des ministres du gouvernement, le président Condé a pris en personne la direction des négociations. Il a rencontré les syndicats ce mercredi 15 février au palais Sékhoutoureya pour essayer de trouver un compromis. Ces négociations ont porté sur 4 points :
Sur le premier point concernant le maintien de tous les enseignants et enseignantes rétrogradés à leurs anciens grades, le gouvernement a pris l’engagement de corriger tous les cas de rétrogradations consécutifs à la transposition de l’ancienne grille à la nouvelle grille et a demandé aux syndicats d’en établir la liste exhaustive avec les références précises.
Le deuxième point qui concerne le respect de l’ancienneté dans la nouvelle grille indiciaire, le gouvernement a également dit sa volonté de prendre en compte l’ancienneté pour « corriger les inégalités et les injustices constatées ».
Par rapport au point trois lié à l’engagement de tous les contractuels et homologues de l’Etat à la Fonction Publique, les deux parties ont convenu du recrutement à la Fonction publique des contractuels ayant dispensé au moins 8 années de cours, même si les syndicats ne sont pas d’accord sur le nombre d’années qui sera discuté ultérieurement ; l’admission dans les ENI des contractuels ayant effectué moins de 8 années de cours et leur recrutement à la Fonction publique après évaluation ; le recrutement sur titre des homologues (Assistants) d’universités tout en admettant que la possibilité budgétaire existe. Il a été retenu de façon plus large de veiller en collaboration avec le ministère de l’enseignement supérieur, à la mise en place d’un statut des homologues-assistants chargés de cours et de recherche.
Les négociations achoppent sur le dernier point
Le maintien de la valeur du point d’indice à 1030 au lieu de 751 comme le réclament les syndicats, est le principal point d’achoppement au cours des négociations avec le président Condé qui, avec les engagements liant son pays aux institutions de Breton Woods est dans l’obligation de contrôler la masse salariale qui est l’une des recommandations du FMI en matière de dépenses publiques.
Si les deux parties sont unanimes désormais sur le fait que la transposition de l’ancienne grille à la nouvelle grille n’avait entraîné aucune diminution de salaire et que dans l’hypothèse contraire, des corrections seraient immédiatement apportées aux cas concernés , le gouvernement n’entend pas céder sur ce point arguant le fait que le maintien du point d’indice à sa valeur d’avant l’adoption de la grille indiciaire entraînerait une augmentation de salaires de 80%, qui selon lui, est contraire aux accords et insupportable par le Budget de l’Etat.
Du côté des syndicats, ce point est non négociable, car à l’issue de leur rencontre à la Bourse du Travail ce jeudi 16 février, les syndicalistes ont sans surprise pris la décision à l’unanimité de maintenir leur mot d’ordre de grève jusqu’à la satisfaction de la totalité de la plateforme revendicative.
La pression s’accentue sur le gouvernent
Face à cette impasse, les organisations de parents d’élèves et la société civile s’insurgent et dénoncent la décision du gouvernement d’envoyer en chômage forcé tous les élèves et étudiants de la république, pour des revendications « accessibles et légitimes » des enseignants. L’école guinéenne court le risque d’une année blanche avec toutes les conséquences que cela pourrait engendrées. Les réseaux sociaux ne sont pas en reste du mouvement de protestation, deux hashtag #OuvrezNosEcoles #MonEcoleMonDroit ont été créés sur Twitter et Facebook où les internautes appellent au limogeage des ministres Ibrahima Kourouma et Sékou kourouma, respectivement ministres de l’enseignement pré-universitaire et de la fonction publique, qui d’après eux ; ont fait preuve d’incompétence et seraient, selon beaucoup d’entre eux, responsables de tout ce qui arrive maintenant.
Si aucun accord n’est trouvé dans les heures à venir, le mouvement pourrait se durcir et se propager à d’autres secteurs et structures éducatives et même au-delà. Comme la Chambre Représentative de l’Enseignement Supérieur Privé qui menace de mettre le verrou aux portes des universités privées pour le non-paiement d’arriérés de la subvention de prise en charge des étudiants orientés dans le privé. Cette crise sociale s’accentue à une semaine de l’annonce de l’arrivée du Roi du Maroc Mohamed VI à Conakry dans le cadre d’une visite de coopération bilatérale, mais aussi pour remercier Alpha Condé qui aurait fortement contribué, selon Conakry, au retour du Maroc dans le giron panafricain de l’union africaine. Pour le moment, l’heure n’est pas à la célébration des retrouvailles, mais à la gestion hypothétique d’une crise sociale grandissante.
Via: Mamadou Aliou Diallo pour Financial Afrik