Le soleil apparu au-dessus du campus social, de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et rependit sur ces bâtiments remplis d’histoires ses rayons dorés du matin. Ce premier jeudi du mois de février 2021, l’astre brille d’un éclat tout particulier. Sous un ciel d’hiver dégagé, « Cheikh Anta » reprend son souffle. Très loin des temps de grandes affluence, la bibliothèque universitaire est déserte. Peu d’étudiants squattent le lieu. À la porte principale de la « B.U » ils se regroupent par de groupes, le plus souvent discutant à voix basse sur diverses questions notamment sur le payement des bourses des étudiants. Ce sujet est sur toutes les lèvres. Faut-il le rappeler la veille, de violents affrontements avaient opposé les policiers aux étudiants sur l’avenue Cheikh Anta Diop. Ces derniers en master réclamaient le payement de leur bourse. Et l’avant-veille, tout à fait au nord du Sénégal, à Saint-Louis précisément, les étudiants de l’université Gaston Berger en découdraient avec les forces de l’ordre pour réclamer l’ouverture des restaurants universitaires.
Cette situation d’instabilité dans les campus au Sénégal ne date pas d’aujourd’hui, l’histoire nous montre bien que depuis l’indépendance à nos jours, les universités au Sénégal sont confrontées à grèves quasiment cycliques. « Depuis les événements de mai 1968, les universités au Sénégal ont souvent été des temples de revendications, parfois même des épicentres de soulèvements populaires dont les ondes de choc se feront plus tard ressentir sur toute l’étendue du territoire. Pour cette seule raison, l’Etat doit réserver un traitement particulier aux universités », dixit un étudiant en 3e année du département de l’Histoire devant la porte de la B.U. Abdoulaye, il s’appelle. Tenant une tasse de café bien chaude sur une main, sur l’autre sa veste était bien accrochée portant aussi un classeur débordé de documents. Taille efflanquée, moulée dans un pantalon super-cent noir combiné avec une chemise longues-manches d’un blanc laiteux, ce natif du Fouta est très touché par le fait que les universités au Sénégal n’arrivent pas à faire des années académiques sans aucune perturbation. « Vous savez qu’au Sénégal il est dit que plus 4O% du national est réservé à l’éducation et à l’enseignement supérieur, et pourtant les conditions d’existence des enseignants et apprenants sont toujours misérables dans ce pays. Finalement, avant de penser à faire des Etats Généraux sur le secteur, on devrait d’abord faire une audite sur les mannes financières qui sont injectées dans l’enseignement depuis 2000 à nos jours. Il n’y a pas assez d’universités et dans le peu que nous avons, les étudiants y souffrent le martyre », rajoute Abdoulaye avant de s’introduire dans la bibliothèque.
« Bois Sacrés », un autre endroit très convoité par les étudiants. Dans une atmosphère de muse, on entend que la plainte éternelle des feuillages sous les coups répétés du vent qui souffle à outrance. Quelques étudiants, certains sur des troncs d’arbres révisent leurs leçons. Alioune , habillé en costume cravate avec un pull-over comme dessous, est en master à la faculté des sciences juridiques et politiques. Il semble plus décontracté que les autres étudiants trouvés trouvé dans ce « sanctuaire ». « Je suis aujourd’hui venu ici juste pour remettre les idées en place, je profite du climat et ces beaux paysages ». Sur la question des grevés cycliques dans les universités Alioune reste très nuancé et partage la responsabilité entre les autorités et les étudiants. « Vous n’êtes pas sans savoir que les grèves dans nos universités ne sont pas toujours décrétées par les étudiants, parfois aussi les professeurs déroulent des plans d’actions pour obtenir satisfaction à leurs revendications, idem aussi pour les étudiants, ceci étant dit, j’en conclus qu’il manque de volonté de la part des autorités pour mettre tous les acteurs dans les universités dans de bonnes conditions, mais aussi une volonté qui traduit parfois des sacrifices suprêmes de la part des étudiants. Car dans nos Etats, toutes les conditions ne peuvent pas le plus souvent être réunies », lance-t-il dans un discours évasif.
Pour ces histoires de grèves répétitives dans les universités, le Sénégal a perdu beaucoup de choses. Le niveau des étudiants a considérablement chuté, les quanta horaires ne plus jamais respectés et par voie de conséquence, sur le plan continental, les universités sénégalaises ne sont plus cotées et perdent, d’année en année leur lustre. Très loin des années où le Sénégal ne comptait que deux universités publiques, aujourd’hui, elles pullulent de partout. Reste simplement à asseoir un système éducatif fort et axé sur la demande du marché de l’emploi, mais surtout à éradiquer ce phénomène des grèves cycliques pour un enseignement supérieur sénégalais, toujours attractif et compétitif
Ibrahima Aliou Sow