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Un professeur et son élève ( Par Nourou Al Amin, professeur de Philosophie à Tattaguine)

Après la remise des bulletins du premier semestre, elle m’apostropha amicalement :
– Monsieur, je peux vous poser une question?
– Naturellement, Ngoné!
– Et si je vous disais que je suis en train de passer du printemps à l’hiver, comprendriez-vous?
– Ngoné, attends, tu es née et tu as grandi à Guineta, villageoise bon teint, et tu me parles des saisons qui n’existent qu’en Occident, reviens sur terre, fais en même ta meilleure amie, pour reprendre Nietzsche !
– Non Monsieur ! Vous aussi, cette fois-ci l’élève vient de dépasser le maître car vous ne me saisissez pas!
– Sois claire alors!
– Laissez-moi d’abord vous poser une autre question. Vous m’as apprise que « les questions sont plus importantes que les réponses », dixit Jaspers
– Effectivement! Aussi, faudrait-il poser les bonnes questions.
– Aucune question n’est idiote. C’est l’entendement qui peut être niais. Ma question est la suivante : si votre enfant avait une moyenne 12/20, comment réagiriez vous ?
– Chère élève, Ngoné, ma réaction dépendrait des capacités et dispositions intellectuelles de mon enfant. C’est quoi ton problème ?
– Je m’en suis sortie au premier semestre avec une moyenne 12/20, synonyme d’un tableau tableau d’honneur. Mais mon père m’a crié dessus! Depuis deux jours il ne me parle plus sous prétexte que ce n’est pas mon niveau. Et Dieu sait que….
– Dieu sait quoi?
– Mais Monsieur j’ai un tableau d’honneur, je suis troisième de la classe…..
– Et quoi encore!
– Je pense que mon père devait m’encourager plutôt que de m’en vouloir. Bilaay M. Nourou je suis très confuse. C’est pourquoi je me suis dit que parler avec mon prof de philosophie pourrait m’aider à y voir plus clair.
– Le philosophe (que je ne suis pas) n’a pas pour mission de régler des problèmes, mais il peut susciter des interrogations pour amener les hommes à se rendre compte de ce qui les accable justement pour s’édifier, voir plus loin que le bout de leurs nez. Demande toi, Ngoné, avant tout, pourquoi à chaque fois ton père te demande de faire plus? Pourquoi tu dois viser loin, à ses yeux? Pourquoi tu dois toujours être devant? Peux-tu maintenant me répondre ?
– Monsieur Nourou, c’est parce qu’il me surestime?
– Estime toi heureuse qu’il en soit ainsi! Ton père est dans son rôle, celui de demander plus à sa fille chérie capable de lui donner satisfaction. Autant il en est sûr, autant ton professeur l’est.
– Monsieur Nourou, il y’a une contradiction entre ce que vous nous enseignez en classe de philosophie et ce que vous venez de dire.
– Éclaire moi alors jeune philosophe !
– Je ne cherche pas à te persuader, mais à te faire comprendre ce que ton insatiable papa attend de toi. Apprends à connaître ceux qui t’entourent, apprends à écouter les silences, à entendre leurs voix. Les plus durs sont ceux qui tiennent plus à toi, à toi réussite. La ruade d’un âne ne signifie pas toujours animosité. Supporte la douleur ; accepte la contrainte ; transforme la critique en compliment et source d’énergie.
– Oh Monsieur Nourou, maintenant j’y vois plus clair : vous venez de me faire un cours de stoïcisme. Oh! Merci infiniment. Vous ne savez même pas d’où vous me sortez!
– Je ne sais rien, tu as raison. Je n’ai rien su
– Professeur, vous êtes notre Socrate. Quelle modestie !
– Laisse-moi te donner un dernier conseil mon élève !
– Avec plaisir mon prof!
– Ne vois pas en autrui ce qui ne peut en aucun cas vous renforcer, ce qui serait synonyme d’étroitesse d’esprit. On a toujours besoin de plus petit que soi. La petitesse d’une chose dépend de la position ou de la fenêtre par laquelle on la voit. La grandeur d’une âme se mesure par les épreuves endurées dans la dignité et la magnanimité sans trompette ni flûte. Le génie de l’enseignant c’est d’arriver à savoir comment la fleur se cache sous la feuille. Chère élève, tu peux être énorme quand tu le veux. Ne te fais jamais de frontière. D’ailleurs, il n’y en a point dans la recherche du savoir.
– N’est-ce-pas vous qui disiez en classe que le philosophe n’est sûr de rien, il doit dépasser les évidences, comment pouvez-vous alors revenir me tenir un tel discours d’assurance? Le philosophe n’est sûr de rien à ce que je sache.
– Les grands maîtres font les grands disciples. Professeur, aidez moi à ne pas éteindre la flamme que vous m’avez transmise pour éclairer mon chemin.
– Ne te soucie pas de ton chemin, mais de la flamme qui éclaire ton chemin. Que Dieu, la lumière elle-même qui ne s’éteint jamais, t’assiste nuit et jours éveillée ou réveillée, à toi et à tous les élèves!

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Nourou Al Amiin

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