L’Unef entend mobiliser contre la hausse des frais d’inscription à l’université des étudiants extra-européens annoncée lundi (2.770 euros en licence, 3.770 euros en master et doctorat à la rentrée 2019). Avec quatorze associations d’étudiants étrangers, le syndicat étudiant cosigne une tribune pour « exiger l’abandon de cette mesure », soutient la pétition lancée sur change.org (plus de 150.000 signatures samedi matin) et appelle à des rassemblements le 1er décembre, place du Panthéon à Paris et dans d’autres villes. A ses yeux, les bourses promises pour compenser cette hausse ne suffiront pas à rétablir la balance pour les plus défavorisés.
Voici leur tribune :
« Ce lundi 19 novembre, Edouard Philippe a fait des annonces concernant l’accueil des étudiant·e·s étranger·e·s et l’attractivité de la France, lors des rencontres universitaires de la francophonie. Loin de permettre aux étudiant.e.s étranger.e.s de vivre dans de bonnes conditions, les mesures annoncées vont augmenter les difficultés qu’il.elle.s rencontrent! En augmentant très fortement les frais d’inscription jusqu’à 3.800 euros en master et doctorat, le gouvernement va renforcer la précarité qu’il.elle.s rencontrent.
Nous, associations de défense des étudiant.e.s étranger.e.s et syndicat étudiant, nous écrivons donc cette tribune pour exiger l’abandon de cette mesure!
Il faudrait mériter d’étudier en France et ce mérite résiderait dans la capacité de payer des frais exorbitants!
Cette très forte augmentation des frais d’inscription des étudiant.e.s étranger.e.s issu.e.s de pays ne faisant pas partie de l’Union européenne consacre la volonté du gouvernement français de trier les jeunes qui auront accès à l’Enseignement supérieur en France. Après avoir instauré une sélection via Parcoursup ayant laissé de nombreux.ses jeunes sur le carreau en début d’année, le gouvernement continue sur sa lancée en mettant en place une sélection sur l’argent des étudiant.e.s étranger.e.s. Alors qu’il affirme vouloir ‘attirer’ plus d’étudiant.e.s étranger.e.s en France, l’augmentation des frais d’inscription va dans le sens inverse! Cette mesure et le discours tenu par Edouard Philippe ce lundi montrent qu’il.elle.s ne cherchent en réalité qu’un seul type d’étudiant.e.s : ceux.celles issu.e.s de famille aisées ayant les moyens de payer! Ainsi, il faudrait mériter d’étudier en France et ce mérite résiderait dans la capacité de payer des frais exorbitants! Nous refusons que nos universités ne soient ouvertes qu’aux ‘élites’ alors même qu’il est nécessaire d’élever le niveau de formation dans les années qui viennent.
A l’inverse, nous affirmons que l’ensemble des jeunes qui souhaitent faire leurs études en France doivent pouvoir le faire, qu’il.elle.s soient français.e.s ou étranger.e.s. Le passage des frais d’inscription en licence de 170 à 2.800 euros et en master et doctorat de 243 à 3.800 euros ne fait que fermer les portes de l’Enseignement supérieur français à de nombreux.ses jeunes étranger.e.s qui ne pourront pas payer aussi cher. Un tel montant oblige également à une dépendance familiale forte quand dans le même temps le salariat des étudiant.e.s étranger.e.s est limité. Ne permettre qu’aux étudiant.e.s issu.e.s de familles aisées de venir en France accroîtra donc les inégalités qui existent déjà partout dans le monde aujourd’hui dans l’accès à l’éducation.
Pour le gouvernement, cette augmentation est une mesure d’équité car il serait ‘injuste’ qu’un.e étudiant.e étranger.e paye autant qu’un.e étudiant.e français.e. Pourtant, quelle que soit notre nationalité nous étudions dans les mêmes filières, les mêmes amphis, consommons les mêmes choses. La nationalité ne doit pas devenir un critère de discrimination entre nous alors qu’il est déjà très fort aujourd’hui.
C’est l’égalité des droits qui est nécessaire et qui permettra d’améliorer l’’attractivité’ de notre pays, si chère au gouvernement français!
En effet, les étudiant.e.s étranger.e.s rencontrent aujourd’hui un certain nombre de galères : administratives (parce que les démarches pour obtenir un titre de séjour et une inscription sont très complexes), sociales (car la nationalité française est nécessaire pour accéder aux bourses sur critères sociaux et aux aides d’urgence du Crous), pédagogiques (car les préfectures ont la main sur le dossier des étudiant.e.s étranger.e.s et apprécient, alors qu’elles n’ont aucune compétence pédagogique pour le faire, le caractère ‘réel et sérieux’ des études afin d’autoriser le renouvellement d’un titre de séjour). Face à une précarité qui progresse pour tou.te.s les étudiant.e.s mais qui est encore plus forte pour les étudiant.e.s étranger.e.s, nous affirmons que c’est l’égalité des droits qui est nécessaire et qui permettra d’améliorer l’’attractivité’ de notre pays, si chère au gouvernement français!
Dans le même temps, le gouvernement a annoncé investir dans les bourses que peuvent toucher les étudiant.e.s étranger.e.s, compensant ainsi l’augmentation drastique des frais d’inscription. Cependant, les bourses accessibles aux étudiant.e.s étranger.e.s sont rares et ne concernent que très peu d’étudiant.e.s. Il s’agit soit d’aides du pays d’origine soit d’aides pour lesquelles la sélection se fait souvent au mérite. Sur les 320.000 étudiant.e.s étranger.e.s en France, un très grand nombre trouve seul.e des solutions de financement. Nous rappelons qu’aider les étudiant.e.s qu’une fois qu’il.elle.s ont réussi ne permet pas de lutter contre les inégalités sociales et laisse encore une fois les mêmes sur le côté : les jeunes issu.e.s d’un milieu précaire.
Face à cela nous vous enjoignons Monsieur le Premier ministre de revenir sur votre décision d’augmenter les frais d’inscription pour les étudiant.e.s étranger.e.s hors UE. A ce titre, nous avons soutenu la pétition lancée par Youcef Fellah, étudiant en Master 2 à l’Université Paris 8, militant à l’UNEF et à l’UEAF.
A l’opposé de l’augmentation des frais d’inscription que vous prévoyez, nous revendiquons des mesures ambitieuses pour améliorer les conditions d’accueil et d’étude de tou.te.s les étudiant.e.s étranger.e.s :
Pour faciliter l’arrivée en France
- Rendre gratuite la procédure d’obtention du titre de séjour étudiant en supprimant le coût du timbre fiscal.
- Supprimer, ou a minima assouplir, les exigences de justificatifs d’hébergement et financiers nécessaires à l’obtention d’un titre de séjour.
- Rendre effective la mise en œuvre du titre pluriannuel de séjour dans l’ensemble des préfectures et le rendre accessible dès la première année en France.
- Permettre une dérogation aux accords bilatéraux (notamment entre l’Algérie et la France) afin de permettre aux étudiant.e.s concerné.e.s d’accéder au titre de séjour pluriannuel et à l’APS comme l’ensemble des étudiant.e.s étranger.e.s mais également à l’autorisation préalable de travail.
Pour faciliter l’inscription à l’université et améliorer les conditions de vie des étudiant.e.s étranger.e.s en France
- Augmenter le nombre de vœux et de places sur la platefome « Etudier en France » de Campus France et permettre l’accès à la procédure complémentaire de Parcoursup.
- Supprimer le critère de nationalité dans l’accès à l’ensemble des bourses attribuées par les CROUS (bourse sur critères sociaux, aides d’urgence annuelles, etc..) et quand à l’accessibilité à un logement au sein des Crous.
Nous appelons au rassemblement le samedi 1er décembre, à 12 heures, Place du Panthéon à Paris ainsi que dans d’autres villes de France. »
Les signataires :
Lilâ Le Bas, présidente de l’Unef (Union Nationale des Etudiants de France),
Thierno Laye Fall, président de la FESSEF (Fédération des Etudiants et Stagiaires Sénégalais de France),
Aghiles Ait Mammar, président de l’UEAF ( Union des Etudiants Algériens de France),
Minh Duc Nguyen, président de l’UEVF (Union des Etudiants Vietnamiens en France),
Fouad Miloudi, président de ECAF (Etudiants et Cadre Algériens de France),
Taylan Tuzlu, responsable DIDF-Jeunes,
Alvaro Luna Porras, président de COLCREA (Association d’étudiants et créateurs colombiens en France),
Illiassou Assoumane, président de l’UESNF (Union des Etudiants et Stagiaires Nigériens de France),
Kombila Yébé Mariole, coordinateur générale de la FEGAF (Fédération des Etudiants Gabonais de France),
Ibrahima Tanou Sow, président de l’AJGF (Association des Jeunes Guinéens de France),
Boubacar Afel Yattara, président de l’ADEM (Association des Diplomés et Etudiants Maliens),
Aly Traore, président des JBF (Jeunes Burkinabé de France),
Rosalie Gueye, présidente de L’étudiant 221 – Sunugal,
Ali Fuladkar, président de FLAP (Réseau Franco-Libanais d’Académiques et Professionnels)
Hussein Ghali, président de l’ADEEF (association des étudiants égyptiens de France)
* Les intertitres sont de la rédaction