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Pourquoi il faut investir dans l’éducation préscolaire

Des indépendances à nos jours, l’État du Sénégal a tenté avec plus ou moins de réussite de prendre en charge la question de l’éducation préscolaire. Sous l’égide des gouvernements successifs plusieurs réflexions ont été menées pour améliorer la performance du secteur. Depuis les états généraux de l’éducation , en passant par le plan décennal de l’éducation et de la formation (PDEF) et le programme d’amélioration de la qualité, de l’equité et de la transparence (PAQUET), des orientations majeures ont été dégagées pour promouvoir la prise en charge de la petite enfance.

Cependant si l’on peut parler de force de mouvement du secteur actuellement, celle-ci reste largement théorique. L’éducation préscolaire au Sénégal peine encore aujourd’hui à nourrir un réel dynamisme face aux défis majeurs qu’appelle son développement. Ce présent article n’a pas pour but de présenter la prise en charge éducative de la petite enfance comme une solution définitive aux problèmes ultérieurs de l’éducation au Sénégal. Il s’agira plutôt de souligner les avantages dont dispose le secteur de l’éducation préscolaire, dans un contexte sénégalais ou le système éducatif reste encore profondément déséquilibré.

Depuis peu les organisations internationales (ONU, UNICEF, UNESCO), la banque mondiale, mais aussi les milieux financiers, s’accordent à considérer la prise en charge éducative de la petite enfance comme une problématique prioritaire. En effet ces 20 dernières années, plusieurs données et résultats ont été produits dans le champ de la neurobiologie, de la santé, de la psychologie, de la sociologie, de la physiologie et de l’éducation.

La conviction que la période jusqu’à 8 ans est déterminante pour le développement intellectuel, affectif et social de l’individu, est de plus en plus communément partagée à travers le monde aujourd’hui. Ces études scientifiques montrent ainsi que ces premières années sont cruciales pour le développement de l’intelligence, de la personnalité et du caractère social de l’individu.

Les occasions ratées à ce stade peuvent rarement être compensées durant les stades ultérieurs de la vie: « Les premières années de vie sont cruciales parce que les proches dommages ayant lieu dans la petite enfance, peuvent compromettre sérieusement les perspectives d’avenir de l’enfant. Ainsi une intervention importante est nécessaire plus tard, pour compenser des occasions manquées par le tout jeune enfant. Le chemin suivi dans les premières années de vie constitue une base solide ou fragile sur laquelle se construira tout le développement ultérieur de l’enfant » (1).

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Force est de reconnaître qu’aujourdh’ui près d’un demi siècle après la première loi (n° 71-36 du 3 juin 1971) portant orientation de l’éducation nationale, le secteur de l’éducation préscolaire telle qu’il se presente au Sénégal aujourd’hui peine à répondre aux besoins actuels. Il est intéressant de noter par ailleurs que l’indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique (IIAG) de 2017, publié récemment par la Fondation Mo Ibrahim, pointe l’arrêt, depuis des années, de tout progrès dans le secteur de l’éducation au Sénégal et un peu partout dans le continent.

De plus le gouvernement du Sénégal, à travers le PAQUET, decline sa vision de l’éducation et de la formation comme étant celle d’un « système d’éducation et de formation efficace, efficient, conforme aux exigences du développement économique et social. » Toutefois on constate qu’aujourd’hui, le secteur de l’éducation préscolaire au Sénégal qui est sensé constituer la base de ce qui est communément appelé « cycle fondamental » dans le système éducatif sénégalais, ne reflète pas forcément une telle aspiration.

Le gouvernement du Sénégal aurait certainement fait preuve de plus d’audace et d’ambition dans la perspective d’une construction plus intelligente de notre système éducatif, s’il décidait d’accorder à la petite enfance et à la prise en charge éducative de celle-ci l’importance prioritaire qu’elle requiert. Outre le fait que les enfants sont les futurs citoyens, il est établi aujourd’hui que « les enfants ayant bénéficié d’un enseignement préscolaire, que ce soit à l’école moderne ou à l’école coranique réussissent mieux que ceux ayant accédé directement à l’enseignement fondamental » (2).

Il faut noter de même que les parents sont assuré d’une économie d’efforts mais aussi de moyens par le biais d’une meilleure réussite scolaire de leurs enfants, s’il y a une prise en charge précoce de qualité de la petite enfance. En effet on note ainsi moins de redoublements et d’abandons, moins de soutien ou de cours particuliers. Au plan sanitaire une prise en charge précoce de qualité de la petite enfance permet une réduction pour les parents des dépenses liées à la santé et aux soins et qui sont dues au manque d’hygiène, aux accident et aux maladies, ainsi que les dépenses d’entretien liées à la propreté des enfants, (lessive et habillement).

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Pareillement avec une prise en charge précoce de qualité de la petite enfance, le système d’éducation et de formation améliore sa fluidité, son efficacité et son efficience. Les taux de réussite augmentent, les abandons et redoublements sont reduits et les cours de soutien scolaire sont inexistants. Cette situation contribue ainsi à la diminution du coût de la formation.

De même au plan de la société et de son développement, une prise en charge précoce de qualité de la petite enfance, favorise à terme une société sénégalaise alphabétisée, éduquée et en meilleure santé, avec une force de travail productive. En décidant donc de considérer la prise en charge de l’éducation préscolaire comme une problématique primordiale, le Sénégal se donnerait les moyens de réaliser concrètement sa vision actuelle de l’éducation et de la formation présenté à travers le PAQUET 2013-2025.

Il est clair qu’avec l’appui d’une réelle volonté politique, la prise en charge educative de la petite enfance offre des garanties pour la relance du système d’éducation et de formation au Sénégal. La mise en oeuvre de moyens pratiques et efficaces doit nécessairement accompager la matérialisation d’une telle vision. Le combat pour les moyens passera par un dispositif de mesure qui pourrait ainsi prendre en charge le recrutement d’un personnel qualifié, une formation continue et le développement d’un intérêt particulier pour les enfants défavorisés, une plus grande inclusion, des contrôles et évaluations, tout comme la mise en place de projets pilotes avec des expérimentations et de la recherche, une meilleure relation avec les parents, mais aussi une transition avec l’école primaire.

Sur ce dernier point il va sans dire, comme nous l’avons souligné à l’entame de cet article, qu’il est impératif, dans la perspective d’un établissement de la priorité de l’éducation préscolaire dans le système d’éducation et de formation au Sénégal, de ne pas perdre de vue que celle-ci n’est qu’une maille de l’éducation totale de l’individu.

L’éducation préscolaire englobe la première éducation et prépare à celle que donne l’école primaire. S’il n’y a pas, en parallèle de la prise en charge précoce de qualité de la petite enfance, une étude et une amélioration des problèmes de l’école primaire, il est impossible de développer une éducation préscolaire performante. Du point de vue du succès scolaire et de la réussite sociale, il est crucial de considérer l’éducation préscolaire par rapport à l’école primaire.

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(1) Shonkoff et Phillips, 2000: p.384

(2) Évaluation du Niveau d’Acquisition des Élèves de la 4 ème année fondamentale MEN du Maroc/UNICEF/UNESCO : 1996, p.55

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