Elle s’appelle Anna Ly et se revendique « poétesse de Ngaye ». Sa passion de la poésie remonte à l’école primaire. Sa sensation est de s’extérioriser et de composer des vers de bonheur ou douleurs inspirés de sa vie ou de celle des autres
Un léger tissu noir cousu en robe couvre son corps svelte. Le vêtement en soie subit la loi du vent. Tantôt à droite, tantôt à gauche. Malgré la force du mouvement d’air, elle fait le poids et garde l’équilibre. Elle dandine, traine ses ballerines noires sur le trottoir pavé qui conduit à sa demeure. La tête baissée, elle s’y dirige, ses gros et beaux yeux blancs fixent le sol. Quelques pas supplémentaires, la dame de taille moyenne désigne du doigt une porte peinte en vert. Elle y entre, prend les escaliers, affiche un sourire enchanteur puis s’installe. Et parle de tout et surtout de sa passion, la poésie. « L’amour fait des miracles ». Ce bout de phrase la fait sauter de joie. Elle se l’approprie et en fait le socle de son activité de poétesse. Sa plume chante, met à nu ses sentiments et ceux des autres d’où la formule qu’elle déclame avec passion. « Quand j’écris, je me décris et par ricochet te décris », dit-elle, d’un fou rire, le visage déplié. L’histoire d’amour entre Anna Ly et la poésie a pris naissance dans la cour familiale à côté des parents intellectuels qui préféraient lui apporter des livres didactiques à la place des cadeaux divertissants.
Ainsi, ses mains ont commencé à s’habituer au feuilletage des ouvrages alors qu’elle n’avait que 14 ans. En parcourant les pages, Anna ly se voit très vite dans la peau de l’auteur. Ce qui déclenché sa plume. Pas de roman, ni de conte, la jeune fille de l’époque préféra la strophe au paragraphe, le vers à la phrase. Son soleil poétique se leva avec l’hommage funèbre intitulé le coucher du soleil à travers lequel Anna Ly pleurait la mort de son grand père. Dans les moments torrides, de douleur et de chagrin, elle ne verse pas de larmes, elle met la plume sur l’encrier et composent des vers de consolation et plonge dans un autre univers. « Lire et écrire fait voyager. J’écris quand je suis triste, ma pensée devient fertile quand ‘ai mal. Là, je suis en floraison », confie-t-elle en caressant son long son greffage noir.
A partir de ce moment, des figures littéraires l’ont encouragé à se concentrer pour de bon à l’écriture. Détendue sur son siège noir, les jambes croisées, la dame revient sur ses lectures de jeunesse : « Ma référence dans le domaine de l’écriture est Mariama Ba. J’aime aussi la plume d’Amadou Hampathé Ba. J’ai lu son œuvre Amkoulel au Primaire en trois jours». Après avoir perdu 60 poèmes écrits entre la sixième et la classe de la Terminal, la très lyrique Anna a publié son recueil : Cœur bavard. Son cœur a soupiré. En l’abordant, son sourire disparait, le visage s’assombrit, sur un ton sérieux, elle explique le choix du titre : « Ce recueil est fort en émotions. En lisant les 74 poèmes, on entre dans la vie de l’auteur. Je l’ai partagé avec le public, dans des moments difficiles. 2018 est une année de chagrins pour moi et de déception amoureuse. J’ai perdu beaucoup d’êtres chers».
Aujourd’hui, après 11 ans dans l’enseignement en tant qu’institutrice, Anna se consacre entièrement à l’art, particulièrement la Musique. Elle passe désormais ses journées à l’Ecole nationale ses Arts (Ena) dans le rêve de devenir « formatrice en musique ».
La voix de Ngaye
Trois mois avant la publication du recueil « Cœur bavard », Anna ly a servi à son lectorat une œuvre de 57 poèmes intitulé « Résistance». Ladite production littéraire est inspirée par l’histoire de ses ancêtres et de la terre de ses racines. « Je suis née à Dakar mais je me revendique originaire de Ngaye », souffle-t-elle, d’un sourire qui dévoile une dentition blanche et bien rangée. Cet ouvrage chante les gloires des figures historiques du Cayor royal qui ont combattu les colons. Selon, le titre choisi lui permet aussi de montrer à la face du monde que Ngaye et le Cayor dispose d’hommes de valeurs. Cet engagement pour son terroir, la poétesse le transpose sur le terrain politique. « Je suis conseillère municipale à Ngaye depuis 2014. Je m’occupe des questions culturelles. J’ai initié des centres pour participer à la formation des jeunes. Je m’imprègne également des différents problèmes. J’œuvre également dans le social à travers l’association Aidons les talibés». Une contribution de la poétesse, appréciée par le préfacier de l’œuvre en question, le professeur de Philosophie Nourou Al Amin Niang. Il la décrit comme une femme de lettres « dont le regard, le souffle et les gestes les plus anodins sont poésie ». Ce témoignage d’un compagnon fait à la première strophe du poème « Poèsie » du recueil « Cœur bavard ». Anna parle de sa passion en ces termes : « la poésie est mon amante. Je l’étreins à volonté. De ses grâces de femmes aimantes me chavire dans un océan de beauté ».
Poétesse 2.0
Le numérique va supplanter le papier. La « poétesse de Ngaye » ne s’en soucie guère. Elle profiter de toutes ses deux versions. Sur papier, elle signe Anna Ly. Sur Facebook, c’est la poétesse de Ngaye. Une page qu’elle gère et alimente quotidiennement par des poèmes aux thèmes diversifiés. Une interaction avec les internautes. Entre compliments et critiques selon la sensibilité du thème évoqué, l’ancienne institutrice réplique ou apporte des éclaircissements sur le fond de sa pensée. « Aujourd’hui, la plupart des jeunes sont sur Facebook. Les réseaux sociaux sont devenus incontournables. C’est pour cette raison que j’ai choisi d’intervenir sur cette plateforme. Et je suis heureuse de leurs réactions encourageantes et constructrices », remarque-t-elle. La poétesse n’a pas peur de mettre en ligne ses productions : « Toutes mes productions sont protégées à la Société des droits d’auteurs et droits voisins (Sodav). Donc je ne crains rien». Anna Ly chante l’amour par la beauté des vers et les profondeurs des rimes. Et pourtant le cœur de la célibataire de 41 ans est à reconquérir. Toutefois le prétendant doit d’abord être capable de sortir cette phrase de sa tête : « Après avoir vécu une déception amoureuse, on peut décider de passer à autre chose ou même de ne passer à rien». Donc des nuits de méditations !